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L’authentique champion

[Photo tirée du compte Instagram de Lucian Bute]

BILLET – Lucian Bute avait à peine commencé à parler mercredi que déjà, les émotions lui nouaient la gorge. Pendant qu’un diaporama des meilleurs moments de sa carrière défilait derrière lui, il cherchait les mots qui allaient le mener, entre deux sanglots, à nous confirmer ce qu’on savait tous depuis un moment : qu’il raccrochait les gants pour mettre un terme à une brillante carrière de 15 ans en boxe professionnelle.

Avant d’en arriver à cette déclaration officielle et solennelle, celle qui allait finalement le faire craquer, Bute avait évidemment pris soin de procéder aux remerciements d’usage destinés à sa famille ainsi qu’aux entraîneurs, promoteurs et autres intervenants qui l’ont suivi pendant ce temps. Mais c’est d’abord le public qu’il a tenu à remercier.

À plusieurs reprises au cours de sa poignante allocution, l’ex-champion IBF des super-moyens aura exprimé sa gratitude aux nombreux partisans qui l’ont épaulé tout au long de son parcours. De son premier combat au Centre Bell en 2003 jusqu’à l’apogée de sa gloire, en passant par son amère défaite contre Carl Froch en 2012 et son ultime tour de piste en 2017, contre Eleider Alvarez à Québec.

«Quel souvenir j’ai avec vous. Vous étiez toujours là, de plus en plus nombreux. Il y avait 2000 personnes au début et le Centre Bell était plein à la fin. »

-Lucian Bute

Il n’a pas tort, loin de là. Dans ses meilleures années, le Roumain pouvait attirer sans problème 16 000 personnes dans l’amphithéâtre. Nommez donc un boxeur québécois capable d’en faire autant à l’heure actuelle.

Cela illustre à quel point la relation entre Bute et le Québec fut une grande histoire d’amour comme on en voit de moins en moins dans le sport professionnel.

« Il a été le boxeur le plus rassembleur et certainement le plus aimé », a décrit le promoteur Yvon Michel, qui a convaincu Bute de s’établir chez nous à l’époque où il dirigeait Interbox.

C’est non sans fierté que Bute a raconté que la frustration de ne pouvoir accorder une entrevue en français à ses débuts l’a convaincu de s’inscrire à des cours du soir pour apprendre la langue, en marge de son entraînement durant la journée. Et le public, touché par l’initiative, a toujours chaleureusement récompensé ses efforts d’intégration. On sait que ce ne sont pas tous les athlètes qui acceptent d’en faire autant.

Bute aurait facilement pu s’enivrer du succès et de la gloire, se laisser corrompre par l’arrogance et la suffisance. C’est tout l’inverse qui s’est produit. Il est demeuré humble et affable avec tout le monde en dépit des bourses et de la ceinture. Un alliage parfait de talent et d’élégance. De puissance et de grâce. À bien des égards, Lucian Bute fut à la boxe ce que Jean Béliveau aura été au hockey. Et Dieu sait que ce genre d’individu ne court pas les rues.

« J’étais moi-même. C’était ma personnalité. Je n’ai jamais refusé [de parler à] personne. J’ai toujours été respectueux, honnête et sincère. Je pense que ça a touché les Québécois. »

-Lucian Bute

Ses détracteurs, pour autant qu’ils existent, diront que Bute avait perdu de sa superbe ces dernières années, soulignant qu’il s’est incliné dans quatre de ses cinq derniers combats. Oui, et alors? Muhammad Ali a subi la défaite trois fois à ses quatre dernières sorties. Son prestige a-t-il été terni? On ne compare pas ici Bute à Ali, on s’entend, mais vous comprenez le principe. Un athlète doit être jugé sur l’ensemble de sa carrière, pas seulement la période qui fait notre affaire.

Un confrère faisait d’ailleurs remarquer que Bute a subi toutes ses défaites devant des champions du monde : Froch, Jean Pascal, James DeGale, Badou Jack et Alvarez. Il y a de pires taches à avoir dans son CV, vous en conviendrez.

« [La défaite contre Froch] a été le début de la fin, a reconnu Bute. Je n’ai jamais été comme avant par la suite. Ç’a été dur. Ça m’a fait mal. Je pensais pouvoir passer par-dessus. »

Peut-être différent sur le plan pugilistique. Mais même ce cruel revers n’aura pas réussi à altérer l’essence de l’homme et l’affection réciproque entre lui et son public.

Malgré son statut de nouveau retraité, Bute n’a pas l’intention de laisser tomber la boxe. Œuvrant déjà comme agent des frères Dario et Bruno Bredicean, il entend continuer de s’impliquer dans le développement du sport au Québec, d’une façon ou d’une autre. Bien sûr, il prendra aussi le temps de s’occuper de ses deux jeunes enfants. Ceux qui, ultimement, l’ont convaincu que l’heure était venue de ranger les gants pour de bon.

On ne reverra plus Bute dans un ring. Mais tous les bons souvenirs, eux, vont demeurer bien ancrés dans nos mémoires. Et ils sont nombreux. Car rarement aura-t-on vu un athlète, à plus forte raison un boxeur, faire sien un peuple qui lui était alors étranger et le fédérer derrière lui de manière aussi lumineuse.

« On pensait qu’il serait champion du monde, mais il a été plus grand que son sport », a résumé avec émotion l’entraîneur Stéphan Larouche, qui fut aux côtés de Bute pour les grandes occasions.

Bonne retraite, Lucian. Profites-en bien. Et merci pour tout.

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Retour réussi pour Kean

[Photo Vincent Éthier, fournie par EOTTM]

Au fond, l’important n’était pas tant de savoir si Simon Kean allait l’emporter samedi soir, au Casino de Montréal. Il s’agissait surtout de voir de quoi il aurait l’air dans le ring.

Kean, faut-il le rappeler, effectuait pour l’occasion son retour dans l’arène après avoir encaissé une brutale défaite contre Dillon Carman, qui lui avait passé le knock-out au quatrième round le 6 octobre dernier. Une défaite qui, en plus d’être sa première en carrière, a forcé le poids lourd trifluvien à se remettre en question. À s’exiler, loin de toute attention, pour faire le point sur son avenir à court et moyen terme.

Cinq mois plus tard, c’était donc soir de retrouvailles pour le Grizzly et son public. Pour souligner la chose, le pugiliste se mesurait à l’Argentin Rogelio Omar Rossi (20-8-1, 13 K.-O.). Le genre de boxeur qu’on ne confondra jamais avec un champion du monde, tout le monde s’entend là-dessus. Mais qu’importe : l’objectif pour Kean (16-1, 15 K.-O.) était d’abord d’y aller d’une performance convaincante et de récolter une victoire afin de reconstruire sa confiance.

Mission accomplie à cet égard : Kean a forcé Rossi à l’abandon à 39 secondes du deuxième round, après l’avoir envoyé au plancher à trois reprises au cours de ce bref duel. Il a ainsi offert à Eye of the Tiger Management une heureuse conclusion à son programme double de boxe, qui avait vu Arslanbek Makhmudov signer une autre victoire expéditive en après-midi.

«J’avais hâte de revenir. J’ai changé des choses à l’entraînement et j’avais hâte de les mettre en œuvre quand ça compte.»

-Simon Kean

«On a aimé ce qu’on a vu pendant le camp d’entraînement et dans le vestiaire, a pour sa part indiqué son l’entraîneur de Kean, Jimmy Boisvert. J’ai aimé ce que j’ai vu de lui dans le ring. J’ai trouvé qu’il a démontré de belles habiletés et une belle souplesse. Il était vif et surtout agressif. Il voulait faire mal.»

Tout un contraste, en effet, avec le Simon Kean aux airs tétanisés qu’on a vu à Québec après que le train Carman lui soit passé dessus. La période de ressourcement semble bel et bien avoir porté ses fruits.

«Je suis arrivé motivé. J’ai su pourquoi j’étais arrivé à plat contre Carman. Je me suis un peu laissé emporter par les émotions. Je suis revenu aux sources», a décrit le boxeur.

Le «défi» Rossi étant désormais chose du passé, la prochaine étape est déjà déterminée pour Kean : une revanche contre Carman, et rien d’autre.

Le président d’Eye of the Tiger Management, Camille Estephan, a d’ailleurs fait savoir qu’une entente pour un tel combat était sur le point d’être conclue et que le duel aurait lieu le 15 juin à Shawinigan.

«Tu n’aimes pas avoir une défaite, a-t-il fait valoir. Si tu peux l’effacer, ça te fait grand bien. Je pense que Simon veut vraiment ça. Il n’arrête pas de m’en parler. C’est comme si tu as regretté certaines choses dans ta vie. Si tu peux les arranger… Je pense que c’est le sentiment qui nous habite tous.»

«Carman, on ne se racontera pas d’histoire, ce n’est pas un top-10 ou un top-15 mondial, a renchéri Jimmy Boisvert. Si Simon espère aller plus loin, il doit battre ce type de gars. Il ne doit pas attendre deux ans de se préparer pour un gars comme Carman.»

Kean réussira-t-il à exorciser ses démons pour de bon ? On aura la réponse dès cet été, on dirait bien.

Maduma fait bien, mais s’incline

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Ghislain Maduma (à gauche) a dû s’avouer vaincu devant Miguel Vasquez. / Photo Vincent Éthier, fournie par EOTTM

Ghislain Maduma (20-4, 11 K.-O.) avait un défi de taille devant lui pour la demi-finale de la soirée en la personne du vétéran mexicain Miguel Vasquez (41-7, 15 K.-O.), ex-champion IBF des poids légers qui a croisé le fer avec de grosses pointures telles que Saul «Canelo» Alvarez et Timothy Bradley, entre autres.

Intimidé devant un tel palmarès, Maduma ? Pas le moins du monde. Le Québécois a livré une performance fort honorable, au vif plaisir de la bruyante foule venue l’encourager. Mais ce ne fut malheureusement pas suffisant pour lui permettre de récolter la victoire. Vasquez s’en est tiré avec un gain par décision partagée.

Deux juges l’ont vu gagnant à 97-93 et 98-92, tandis que le troisième a favorisé Maduma à 97-93.

«Il boxait bien. Il bougeait bien. Je n’arrivais pas à mettre en œuvre la stratégie qu’on voulait. Je n’ai pas d’excuse. J’étais en super forme. Tout allait bien dans ma tête. Je lui donne crédit, c’est vraiment un vrai champion», a indiqué Maduma, toujours aussi affable malgré le revers.

Vasquez s’est en effet illustré par sa mobilité et ses talents d’évasion dans l’arène. Maduma a bien réussi à placer quelques bons coups ici et là, mais son élusif rival lui a donné du fil à retordre plus souvent qu’à son tour. De fait, plusieurs des dix rounds de l’affrontement étaient serrés et, bien souvent, difficiles à juger.

Lorsque la dernière cloche a retenti, les visages étaient longs dans le coin du Québécois. À l’évidence, on savait que les chances d’entendre une décision défavorable des juges étaient réelles.

«Même si j’avais gagné, je n’aurais pas été content, a admis Maduma. Je ne suis pas un gars comme ça. Je pense que j’aurais pu l’avoir. Il y avait plein de rounds serrés. Je comprends comment les juges l’ont vu d’un côté comme de l’autre.»

N’allez surtout pas croire, cela dit, que cette défaite signifie un retour à la retraite pour Maduma. Bien au contraire, après une petite semaine de vacances, il entend bien reprendre l’entraînement et poursuivre sa route. Ses partisans ne s’en plaindront certainement pas.

Retour réussi pour Jukembayev aussi

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Batyr Jukembayev (à droite) a pris la mesure de Gilberto Meza. / Photo Vincent Éthier, fournie par EOTTM

Il faisait bon de revoir Batyr Jukembayev en action dans un gala d’Eye of the Tiger Management, après être passé bien près d’être largué par le promoteur dans la foulée du congédiement de son ex-entraîneur Stéphan Larouche.

Le jeune Kazakh (15-0, 12 K.-O.) a souligné son retour dans la tanière du tigre avec une victoire par décision unanime (98-92 partout) aux dépens du Mexicain Gilberto Meza (10-6-1, 6 K.-O.).

Sans être particulièrement spectaculaire, Jukembayev s’est néanmoins montré assez efficace et incisif pour imposer le rythme du combat. Ce qui ne veut pas dire que Meza, appelé à remplacer Carlos Jimenez à pied levé, n’a pas offert une opposition de qualité, loin de là. Mais voilà, Jukembayev lui a été supérieur, tout simplement.

Les autres résultats

C’est un furieux duel que nous ont offert Nurzat Sabirov (9-0, 8 K.-O.) et l’Argentin Cesar Hernan Reynoso (15-12-4, 7 K.-O.), alors que les deux hommes se sont échangés de violentes politesses sans répit. Sabirov l’a finalement emporté par arrêt de l’arbitre à 1 :27 du septième round. Reynoso, qui avait visité le tapis au round précédent, a subitement baissé la garde en n’ayant plus l’air de vouloir poursuivre l’affrontement, sans doute lassé des multiples coups de matraques assénés par Sabirov.

Clovis Drolet (9-0, 5 K.-O.) est demeuré invaincu en prenant la mesure de l’Argentin Rodrigo Ramon Maizares (7-4) par décision unanime (80-72 partout). Et c’est à peu près tout ce qu’il y a à dire sur ce combat.

Le duel entre Andranik Grigoryan (10-0, 1 K.-O.) et le Mexicain Jonathan Aguilar (19-8, 7 K.-O.) s’annonçait pourtant excitant. Aguilar avait été au plancher dès le premier round, tandis que Grigoryan a fait de même en toute fin de troisième engagement. Mais ce furent là les seuls véritables étincelles de ce combat, remporté par Grigoryan par décision unanime (98-90, 99-90, 99-90), qui ne passera certainement pas à l’histoire.

Pour amorcer la soirée, Artur Ziyatdinov (9-0, 8 K.-O.) n’a fait qu’une bouchée du Polonais Michal Ludwiczak (16-10, 8 K.-O.), l’emportant par arrêt de l’arbitre à 2 :33 du quatrième round. Ludwiczak est allé deux fois au tapis au troisième engagement après de vifs coups au corps. Le pauvre pugiliste, qui s’est mis à pomper l’huile très tôt dans le duel, a même dû prendre un temps d’arrêt au round final pour aller vomir dans le seau de son coin. L’histoire ne dit pas s’il avait profité de la pause entre les deux galas de la journée pour abuser du buffet du Casino.

Autre combat, même résultat

[Photo Vincent Éthier, fournie par EOTTM]

Avery Gibson n’avait jamais été battu par knock-out en 20 combats professionnels. Une seule fois, il avait été envoyé au tapis. Arslanbek Makhmudov n’a eu besoin que de deux minutes et 31 secondes pour le liquider.

Les combats se suivent et se ressemblent pour le Russe, aussi monstrueux que sympathique, qui n’a jamais travaillé au-delà du deuxième round en sept sorties. Son équipe croyait bien que Gibson (9-8-4, 3 K.-O.) offrirait à Makhmudov (7-0, 7 K.-O.) la possibilité d’accumuler quelques rounds d’expérience de plus dans sa besace.

Au lieu de cela, la première finale de l’ambitieux programme double d’Eye of the Tiger Management au Casino de Montréal samedi, qui mettait aussi en vedette Simon Kean, s’est conclue hâtivement.

«Pour le moment, ce n’est pas inquiétant. On pensait avoir des rounds [samedi], ça n’a pas été le cas. On va continuer notre recherche et à y aller graduellement avec des gars qui ont de bons mentons. Des gars solides pour enfin voir [plus de rounds] un jour», a indiqué l’entraîneur de Makhmudov, Marc Ramsay.

La désormais traditionnelle sirène annonçant l’arrivée de Makhmudov sur le ring venait à peine de se taire que ce dernier invitait son rival à observer le plancher de plus près, par l’entremise d’un vif uppercut droit. Gibson s’est relevé pour seulement mieux retomber quelques instants plus tard, pilonné de toutes parts par son adversaire à l’autre extrémité de l’arène. Le coin de Gibson, judicieusement, a alors réclamé la fin du carnage.

Autre brève journée au bureau pour Makhmudov, donc. Son clan ne se plaindra jamais d’accumuler les victoires, cela va de soi. Mais il a quand même hâte de tomber sur un rival qui résistera un peu plus longtemps.

«On disait la même chose au sujet [d’Artur] Beterbiev et à un moment donné, on s’est ramassés dans des 12 rounds. […] On a fini par trouver une solution», a souligné Ramsay.

C’est évident, le jour viendra où Makhmudov croisera sur son chemin un boxeur qui aura trouvé, on ne sait trop comment, le moyen d’accepter ses sévices pendant plus de deux rounds. Mais d’un autre côté, difficile de se plaindre quand on engrange les victoires spectaculaires qui nous permettent d’accroître notre popularité.

En attendant de connaître l’identité de sa prochaine victime – pardon, de son prochain adversaire -, Makhmudov poursuivra le travail en gymnase. Car, oui, malgré son terrifiant parcours jusqu’ici, il y a encore des aspects de sa boxe à fignoler.

«Je ne suis pas parfait. Je dois apprendre. C’est normal. [Le combat] est une bonne expérience», a-t-il résumé avec humilité.

«Je suis prêt à tout. Je suis prêt pour un adversaire coriace», a-t-il ajouté.

Mais un tel adversaire, quel qu’il soit, sera-t-il prêt un jour ?

Oganesyan étincelant

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Artem Oganesyan (à gauche) a impressionné face à Damian Sosa. / Photo Vincent Éthier, fournie par EOTTM

Il n’a peut-être pas rallumé les feux d’artifice de sa dernière sortie, alors qu’il avait dévissé son adversaire à coups d’uppercuts comme s’il s’agissait d’une bouteille de mousseux récalcitrante du temps des Fêtes – ce n’est pas à défaut d’avoir essayé, remarquez -, mais Artem Oganesyan (9-0, 7 K.-O.) n’en a pas été moins impressionnant en demi-finale de ce gala diurne.

Le Russe désormais établi à Montréal a pris la mesure du Mexicain Damian Sosa (11-1, 5 K.-O.) par décision unanime (100-90 partout), pour ainsi mettre la main sur le titre WBO junior des super-moyens.

Si Oganesyan n’a pas servi un knock-out à son rival, c’est parce que ce dernier a fait montre d’une étonnante ténacité et d’une redoutable capacité à encaisser les coups. Autrement, jamais Sosa n’aurait vu le dixième round.

C’est d’ailleurs la «lourdeur» des attaques d’Oganesyan qu’on remarque en premier lorsqu’il s’exécute dans le ring. Chacun de ses coups touchant la cible s’accompagne d’un bruit retentissant. Un peu à la manière d’un Beterbiev, par exemple. On entend la douleur qu’il inflige. Et, selon la réaction de l’adversaire qui se dresse devant lui, on peut fréquemment la voir.

En voilà un qui sera fort intéressant à surveiller au cours des prochaines années.

Les autres résultats

Chez les femmes, Kim Clavel (7-0, 2 K.-O.) n’a eu aucune difficulté à disposer de l’Uruguayenne Soledad Macedo (17-15-1, 4 K.-O.) pour récolter la victoire par décision unanime (80-72 partout). La Montréalaise a dominé d’un bout à l’autre du combat, imposant le tempo dès les premiers instants et n’accordant aucune marge de manœuvre à la pauvre Macedo, qui a dû repartir du Casino avec un arrière-goût de gant dans la bouche.

Hyper-expéditif à sa première sortie chez les professionnels, Lexson Mathieu (2-0, 2 K.-O.) a récidivé aux dépens de l’Argentin Ariel Alejandro Zampedri (9-6, 7 K.-O.), signant une belle victoire par arrêt de l’arbitre à 1 :38 du tout premier round. Le jeune pugiliste de Québec a alors envoyé son adversaire au tapis à l’aide d’une solide gauche. Zampedri, qui s’était aussi incliné au round initial devant Sadriddin Akhmedov, a mis beaucoup de temps à se relever. Un peu trop au goût de l’officiel Yvon Goulet, qui a annoncé la fin des hostilités.

Sébastien Roy (6-0, 1 K.-O.) est demeuré invaincu en venant à bout du Grec Gkouram Mirzaev (4-2, 3 K.-O.) par décision unanime (60-54, 59-55, 59-55). Victoire aisée pour l’orgueil de Thetford Mines en apparence, mais ne vous fiez pas trop aux pointages. Le duel, qui s’est déroulé sous le signe de la technique, s’est avéré bien plus serré qu’il n’y paraît au premier coup d’œil.

En lever de rideau, François Pratte (8-1-1) a été surpris par le Mexicain Jorge Garcia Jimenez (14-2-1, 11 K.-O.) et s’est avoué vaincu par arrêt de l’arbitre à 1 :03 du sixième round. Le Trifluvien, coupé à trois endroits différents du visage durant l’affrontement, avait déjà visité le plancher au deuxième assaut, tandis que Jimenez a fait de même au quatrième. Mais ce dernier s’est bien repris en terrassant violemment son rival avec une gauche en plein visage. Pratte s’est aussitôt effondré de tout son long, tel un château de cartes. L’arbitre Albert Padulo fils a tout de suite mis fin au duel.

Triste fin de règne

[Photo fournie par Top Rank]

« Voyons, ça ne se peut pas. C’est impossible. Impossible que ça se termine ainsi, aussi bêtement. Et après seulement six mois comme champion? »

C’est un peu le genre de réaction qu’ont pu avoir les couche-tard qui ont regardé le combat revanche tant attendu entre Eleider Alvarez (24-1, 12 K.-O.) et Sergey Kovalev (33-3-1, 28 K.-O.), disputé au Ford Center at The Star de Frisco, au Texas, dans la nuit de samedi à dimanche.

À la lumière de la victoire du Colombien lors du premier combat, d’aucuns croyaient que ce dernier n’aurait du mal à défendre sa ceinture WBO des mi-lourds, qu’il avait justement acquise de manière spectaculaire aux dépens de Kovalev après avoir poireauté pendant presque trois ans, en espérant d’avoir l’occasion de se battre pour un titre mondial.

Et pourtant… Opposé à un Kovalev en grande forme, Alvarez, éteint et passif, a été détrôné dès la première défense de sa ceinture, s’inclinant par décision unanime et subissant ainsi un premier revers en carrière.

Deux juges ont remis des cartes de 116-112, tandis que le troisième a donné tous les rounds à Kovalev, 120-108 – un verdict pour le moins sévère, il faut l’avouer. Ringside, pour sa part, avait le Russe gagnant à 115-113.

Disons-le sans détour : malgré ces résultats serrés, Alvarez a été mauvais. Méconnaissable, même.

Où diable étaient passés ces jabs précis et incisifs qui ont fait sa renommée? Où se cachait donc cette étincelle, cette rage de vaincre qui lui avait permis d’envoyer Kovalev trois fois au tapis lors de leur premier duel?

Tenez, les chiffres parlent d’eux-mêmes : Alvarez n’a lancé que 369 coups au total dans ce combat, soit à peine plus de 30 par round en moyenne. Kovalev, lui? Pas moins de 816 coups lancés, pour une moyenne de 68 par assaut. Inutile de chercher plus loin pour comprendre la décision des officiels.

Une chance, d’ailleurs, que plusieurs attaques de Kovalev ont atterri sur les gants d’Alvarez, qui a au moins fait preuve de belles habiletés défensives. Autrement, cet affrontement n’aurait jamais atteint la limite.

« Va falloir que tu commences à travailler! », a d’ailleurs prévenu avec véhémence l’entraîneur Marc Ramsay pendant qu’il tentait de réanimer Alvarez entre deux rounds, alors que ce dernier s’était encore montré complètement amorphe pendant trois minutes de boxe. Vers la fin du combat, on a de nouveau pu entendre Ramsay tancer généreusement son protégé qui venait de disputer, selon lui, « un round de paresseux ».

Alvarez a-t-il trop cherché à infliger un autre knock-out à Kovalev, délaissant au passage son plan de match? Possible. Le problème, c’est qu’Alvarez n’a jamais été reconnu comme un grand cogneur. Sans dire que l’issue de son premier choc avec Kovalev était le fruit de la chance, et au risque de se répéter, le principal atout d’Alvarez est sa virtuosité technique. Celle-là même qui lui avait permis de détrôner Kovalev en l’usant à la corde en août dernier. Pourquoi donc ne pas la mettre à profit? Allez savoir…

Parions que les gens de Top Rank ont avalé quelques gorgées de bière de travers en assistant à cette performance d’Alvarez, à qui ils viennent d’accorder un juteux contrat de sept combats lui garantissant un million de dollars par sortie. Pas exactement la façon optimale de souligner les débuts d’une entente aussi lucrative.

L’effet McGirt

Cela dit, rendons quand même à Kovalev le mérite qui lui revient. Alors que plusieurs le croyaient en fin de parcours, il a trouvé un second souffle en revenant à une boxe de base, et en privilégiant une approche stratégique plutôt que de s’en remettre outre mesure à sa force de frappe et viser le coup de circuit à tout prix.

Son nouvel entraîneur Buddy McGirt, premier à s’être mérité les remerciements de Kovalev après le combat, n’est certainement pas étranger à cette étonnante résurrection. Grâce à ses judicieux conseils, un boxeur bientôt âgé de 36 ans qui semblait au bord d’une retraite forcée vise désormais un combat d’unification des titres de l’une des catégories de poids les plus en vue de la boxe professionnelle. Faut le faire.

Conséquemment, ceux qui songeaient à une trilogie pugilistique impliquant Alvarez et Kovalev peuvent oublier ça pour l’instant. De toute façon, avant même de penser à se frotter une autre fois au nouveau champion WBO, Alvarez a tout un travail d’introspection qui l’attend. Il devra d’abord se regarder dans le miroir, longuement et intensément, avant de s’asseoir avec son équipe pour décortiquer cet échec et comprendre ce qui a bien pu se passer.

Et c’est sans doute ce qui est le plus triste dans cette défaite. Après tout le temps et tous les efforts qu’il a investis pour atteindre son but de devenir champion du monde, voilà qu’Alvarez est contraint de repartir pratiquement à zéro. Tant sur le plan athlétique que psychologique.

Ce sera à lui de prouver que le boxeur qu’on a vu dans ce combat n’était pas le véritable Eleider Alvarez.

Claggett refait le coup… ou presque!

[Photo Vincent Éthier, fournie par EOTTM]

Le 27 octobre 2017, Steve Claggett avait causé une surprise de taille au MTelus en arrachant une victoire par décision partagée à Yves Ulysse fils, qui encaissait ainsi son premier revers en carrière. L’Albertain était de retour à Montréal samedi soir, au Casino ce coup-ci, pour se mesurer à Mathieu Germain.

Ce dernier, qui occupait pour la première fois le haut de l’affiche d’un gala de boxe, n’avait certes pas l’intention de se faire jouer le même tour que son confrère de l’écurie d’Eye of the Tiger Management.

La bonne nouvelle, c’est que ce n’est pas arrivé. La mauvaise – enfin, si on peut le dire ainsi –, c’est que Germain (16-0-1, 8 K.-O.) n’a pas gagné non plus : il a dû se contenter d’un verdict nul majoritaire au terme d’un magnifique combat, disputé à un rythme endiablé et avec une intensité peu commune.

Un juge a vu Germain gagnant 96-94, un autre a favorisé Claggett à 96-94, et le troisième a remis un pointage nul de 95-95. Pour sa part, Ringside avait Germain vainqueur à 97-93. Mais, il faut le dire, plusieurs rounds se sont avérés serrés et donc, difficiles à juger. D’ailleurs, seulement cinq des dix rounds ont été jugés de la même façon par les trois officiels.

Le Québécois repart donc avec sa ceinture IBF International des poids super-légers, tandis que Claggett (27-5-2, 17 K.-O.) rentre chez lui avec son titre IBF nord-américain.

«Ce n’est pas un vol. Je suis déçu, je pensais gagner. Mais il faut être honnête, ce n’est pas une décision controversée», a affirmé Germain, qui a maintes fois réitéré sa déception face à l’issue de l’affrontement.

«Je suis satisfait du combat, bien que j’aurais pu en faire un peu plus. Mais je ne suis évidemment pas satisfait du résultat. Mais c’est ça, le jeu. Parfois, les juges voient quelque chose de différent de ce que nous voyons», a quant à lui expliqué Claggett.

Ce duel a duré dix rounds, mais on a parfois eu l’impression qu’il n’en comptait que cinq ou six, tellement l’action s’est déroulée à toute allure. En aucun moment ou presque, les deux hommes n’ont ralenti leurs ardeurs, s’échangeant copieusement les combinaisons.

À un moment donné, Germain ébranlait Claggett. Un peu plus tard, souvent au cours d’un même engagement, c’était au tour de Claggett de sonner les cloches de Germain.

«[Germain] est invaincu, il est fort et il a battu quelques bons gars. Il ne se laissera pas faire. Il va se battre avec tout son cœur, et c’est exactement ce qu’il a fait», a dit Claggett.

Ça s’est échangé les politesses de cette façon du début à la fin. Sauf peut-être au dernier assaut, alors que Claggett a nettement eu le dessus sur son rival. Si le round avait duré quelques secondes de plus, il aurait peut-être pu l’envoyer au tapis, qui sait ?

«Au dernier round, il m’a fatigué. J’ai semblé ébranlé, mais je ne l’étais pas du tout. J’étais fatigué, je sentais mes jambes lourdes. J’ai commencé fort, mais il est venu me voler le round», a décrit Germain, qui n’a toutefois pas à rougir de l’ensemble de sa performance, bien au contraire.

À l’évidence, un affrontement aussi relevé et, surtout, qui se solde par un résultat comme celui-là, est pratiquement synonyme de combat revanche. Entre nous, l’option tombe sous le sens. Même si un deuxième volet ne devait avoir que la moitié de l’intensité du premier, la foule en aurait pour son argent.

Sans grande surprise, les deux pugilistes ont affirmé être prêts à en découdre à nouveau dans l’arène.

«Je ne refuse personne. Les gens qui me connaissent le savent : je ne refuserai jamais d’affronter une personne qui veut se battre contre moi», a prévenu Germain.

«J’aimerais revenir ici. J’adore Montréal», indique Claggett de son côté.

On ne se plaindra pas si le second épisode se passe chez nous, ça, c’est sûr.

Akhmedov, le prédateur

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Sadriddin Akhmedov (à gauche) a facilement remporté son combat. / Photo Vincent Éthier, fournie par EOTTM

En demi-finale de la soirée, Sadriddin Akhmedov (7-0, 7 K.-O.) a de nouveau fait la démonstration de son prodigieux talent en liquidant le Mexicain Abraham Juarez (13-2, 5 K.-O.) par arrêt de l’arbitre à 2 :03 du quatrième round.

Le Kazakh de 20 ans met ainsi la main sur le titre WBC Jeunesse des super-mi-moyens, qui était jusque là vacant.

Privilégiant une stratégie axée sur la patience, Akhmedov a passé le combat à attendre que Juarez lui concède une ouverture pour placer ses attaques. Dès que ce dernier lui accordait à peine quelques centimètres, il dégainait avec violence et vitesse, atteignant la cible presque à tout coup. On aurait juré voir un scorpion, une vipère ou tout autre prédateur venimeux de votre choix s’en prendre à sa proie malchanceuse : vif, précis et létal.

Au quatrième engagement, Akhmedov a jeté Juarez une première fois au tapis à l’aide d’un uppercut des plus sournois. Le Mexicain s’est relevé, mais quelques instants plus tard, Akhmedov l’a renvoyé d’où il venait avec une violente droite en plein visage. Juarez s’est de nouveau relevé, mais il était clair qu’il n’en pouvait plus. L’arbitre Steve St-Germain l’a vite constaté lui aussi, et a décrété la fin du duel.

Les autres résultats

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Ce fut une autre courte soirée de travail pour Arslanbek Makhmudov (à gauche). / Photo Vincent Éthier, fournie par EOTTM

On espère que vous n’êtes pas allé à la salle de bain juste avant le combat entre Arslanbek Makhmudov (6-0, 6 K.-O.) et l’Américain Jason Bergman (27-16-2, 18 K.-O.). Car encore une fois, le gigantesque Russe a haché menu en un clin d’œil l’opposition ayant osé se dresser devant lui, l’emportant sans aucune difficulté par arrêt de l’arbitre à 1 :37 du tout premier round. Bergman est allé au plancher deux fois pendant ce bref combat.

Comme c’est désormais la coutume, les membres de la Team Tibo étaient nombreux pour encourager Vincent Thibault (8-0, 2 K.-O.), qui affrontait le Mexicain Jose Sergio Torres Perez (5-7, 5 K.-O.). Celui qu’on surnomme la fierté de Charlesbourg n’a pas déçu ses partisans, l’emportant par décision unanime (60-53 partout). Thibault a notamment fait visiter le tapis à Torres Perez au quatrième assaut grâce à un joli coup au corps.

Chez les femmes, Kim Clavel (6-0, 2 K.-O.) a terrassé la Mexicaine Luz Elena Martinez (5-2, 3 K.-O.) par arrêt de l’arbitre à 2 :00 du quatrième round. Clavel a complètement dominé sa rivale, enchaînant de vicieux crochets en combinaison, avant de l’achever avec une violente droite en plein visage. Martinez n’a jamais pu se relever, et l’arbitre Martin Forest a ainsi stoppé les hostilités.

Lexson Mathieu (1-0, 1 K.-O.) a souligné le début de sa carrière professionnelle de brillante façon en neutralisant le Mexicain Edgar Santoyo (2-2-2, 1 K.-O.) après seulement 43 secondes d’action. Pendant ce court laps de temps, la jeune sensation de Québec, âgée de 19 ans, a envoyé son adversaire au tapis, avant de le tabasser sans aucune pitié. Alors que Santoyo tenait de peine et de misère dans le coin de l’arène, l’arbitre Albert Padulo fils a sagement choisi de mettre fin à ce duel.

Le combat entre François Pratte (8-0-1) et le Mexicain Sergio Silva (6-1-2, 2 K.-O.) n’a duré qu’une minute et 47 secondes, mais s’est conclu par un verdict nul technique. Silva a reçu un coup de tête accidentel avant de tomber au plancher. Constatant qu’il saignait derrière la tête en se relevant, Silva a aussitôt demandé à voir le médecin. L’examen s’est prolongé, tant et si bien que Silva, quelque peu vacillant, a indiqué qu’il n’était plus en mesure de poursuivre l’affrontement. Pratte était quant à lui fort déçu du résultat. On peut évidemment le comprendre.

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Raphaël Courchesne a subi une sérieuse coupure à l’oeil gauche. / Photo Vincent Éthier, fournie par EOTTM

À son premier combat depuis le mois de juin 2018, Raphaël Courchesne (5-0, 2 K.-O.) a offert une belle démonstration de résilience en prenant la mesure du Mexicain Alejandro Chavez Meneses (9-4, 5 K.-O.) par décision unanime (58-55, 58-55, 58-56). Le Maskoutain a d’abord chuté au premier round, avant d’être gravement coupé à l’œil gauche au quatrième. C’est avec le visage complètement ensanglanté qu’il a terminé ce furieux duel.

Dans le premier combat de la soirée, Kaemy Cloutier (2-0) a aisément disposé du Mexicain Saul Alejandro Gonzalez Meza (4-4, 3 K.-O.) par décision unanime (39-35, 39-35, 38-36). Le boxeur de Trois-Rivières a envoyé son rival au tapis au premier et au deuxième round.

Le triomphe de Rivas… et de Ramsay

[Photo Mikey Williams, fournie par Top Rank]

« T’es-tu capable de la lancer, ta droite? Ben, lance-la! »

Insatisfait de ce qu’il venait de voir de la part de son boxeur, Marc Ramsay avait le front presque collé à celui d’Oscar Rivas lorsqu’il lui a prodigué, avec vigueur et conviction (c’est bien le moins qu’on puisse dire), cette directive vendredi soir, entre deux rounds du combat opposant Rivas et l’Américain Bryant Jennings au Turning Stone Resort & Casino de Verona, dans l’État de New York.

Cette consigne et toutes les autres que l’entraîneur a imposé à son poulain au cours du duel, avec une fougue frisant parfois l’exaspération, sont directement responsables de l’improbable victoire de Rivas, qui l’a emporté par arrêt de l’arbitre à 54 secondes du 12e et dernier round. En plus de conserver son titre NABF des poids lourds, Rivas s’est du même coup emparé des ceintures NABO et IBF International de la catégorie.

Loin d’être spectaculaire, le combat a plutôt pris les allures d’une partie d’échecs, chaque boxeur cherchant patiemment la faille dans la défense de son adversaire qui lui permettrait de s’imposer. À l’évidence, Rivas (26-0, 18 K.-O.) savait quoi faire pour museler Jennings (24-3, 14 K.-O.), qui n’a jamais semblé être en mesure de solutionner l’énigme qui se dressait devant lui. C’était particulièrement évident en première moitié d’affrontement, alors qu’on se demandait par moments si le pugiliste de Philadelphie savait que le combat était commencé.

Au moment où l’arbitre Gary Rosato a mis un terme aux hostilités, deux des trois juges avaient Rivas gagnant sur leur carte. Les pointages serrés – 105-104 et 106-103 pour Rivas, et un 106-103 pour Jennings – illustrent bien le genre de choc que les deux hommes nous ont offert, avec plusieurs rounds difficiles à juger.

Cela dit, ne nous méprenons pas. Si c’est Rivas qui a stoppé Jennings dans le ring et qui est reparti avec trois ceintures, le vrai vainqueur de ce combat, c’est Ramsay.

Oh, attention, ça n’enlève rien à la performance du Colombien. Après tout, c’est bien beau recevoir les instructions de son entraîneur, encore faut-il les appliquer de la bonne façon et au moment opportun. D’autant que Jennings ne constituait pas un client facile, loin de là.

Mais malgré tout le talent de Rivas, si son coach n’avait pas trouvé les mots et la méthode pour le motiver comme il l’a fait, le résultat aurait fort probablement été différent. Bien appuyé par ses adjoints Samuel Décarie-Drolet et Luc-Vincent Ouellet, Ramsay est parvenu à garder Rivas concentré sur la tâche à accomplir, tout en lui injectant la juste dose d’énergie lorsque cela s’avérait nécessaire.

La boxe québécoise est choyée de pouvoir compter sur plusieurs entraîneurs de qualité – Stéphan Larouche, Rénald Boisvert, Mike Moffa… Mais si ce n’était pas déjà clair dans l’esprit de certains, il serait à peu près temps de considérer Ramsay comme étant le meilleur de ce groupe d’élite. Ce qu’il a démontré au cours du duel Rivas-Jennings relevait ni plus ni moins de la classe de maître de coaching.

Et ça, c’est simplement ce qu’on a vu pendant le combat : on ne parle même pas de tout le travail effectué au préalable, que ce soit au gymnase ou en vidéo pour décoder Jennings. Ce n’est pas un hasard si Ramsay a réussi à amener quatre boxeurs – Jean Pascal, David Lemieux, Artur Beterbiev et Eleider Alvarez – à des titres mondiaux.

Quant à Rivas, même s’il était confronté à un défi de taille, il ne pouvait se permettre d’échapper ce combat. Avec un parcours déjà hypothéqué par plusieurs blessures au cours des dernières années, une défaite aurait encore davantage compromis la suite des choses. Au lieu de cela, il a triomphé de belle façon d’un rival plus que crédible sur les ondes américaines, et pourra grimper un peu plus haut dans les classements mondiaux. Le résultat rêvé.

Le contrat du duel contenait une clause qui prévoyait que Jennings pouvait se prévaloir d’un combat revanche s’il le souhaitait. Or, selon ce que rapporte le Journal de Montréal, celui-ci pencherait davantage pour la retraite. Quoi qu’il en soit, on est déjà curieux de voir ce qui s’en vient pour Rivas qui, à 31 ans, entre dans les années charnières de sa carrière. Surtout qu’il a terminé le combat en santé, ce qui est toujours digne de mention dans son cas.

Chose certaine, tant qu’il pourra compter sur Marc Ramsay dans son coin, Rivas pourra entrevoir l’avenir avec optimisme.

Les bons (et moins bons) coups de 2018

[Photo fournie par HBO]

Encore une fois cette année, la boxe québécoise nous aura offert son lot de moments mémorables, autant dans le ring qu’à l’extérieur. Ringside vous offre son palmarès des pugilistes de chez nous qui se sont illustrés en 2018 – pour le meilleur et pour le pire -, ainsi que quelques souhaits pour l’année à venir.

LE BOXEUR DE L’ANNÉE – Eleider Alvarez

La patience d’Eleider Alvarez aura largement été récompensée en 2018. Le boxeur colombien est non seulement devenu champion du monde après avoir attendu pendant deux ans d’avoir la chance de se battre pour une ceinture, sa victoire décisive contre Sergey Kovalev le 4 août l’a fermement ancré au sein de l’élite des mi-lourds, ainsi que dans le cœur des amateurs d’ici. Et pour couronner le tout, le voilà qui vient de signer un lucratif contrat avec le promoteur américain Top Rank. Cette année, Alvarez aura prouvé au centuple que tout vient à point à qui sait attendre. Tous les yeux de la planète boxe sont maintenant tournés vers le 2 février, date du combat revanche contre Kovalev au Texas.

LA MENTION HONORABLE – Marie-Ève Dicaire

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Marie-Ève Dicaire est devenue championne IBF des super-mi-moyens. / Photo Bob Lévesque

Quand on y pense, ce que Marie-Ève Dicaire a accompli depuis le début de sa carrière relève de l’exploit à tous points de vue. Presque à elle seule, elle a réussi à faire connaître la boxe féminine professionnelle, sport qui était jusque-là largement méconnu du public québécois. Chemin faisant, et victoires aidant, elle s’est bâti une réputation enviable et un bassin de partisans considérable. Puis, le 1er décembre, elle est passée à l’histoire en devenant la première championne du monde québécoise aux dépens de Chris Namus. On a déjà hâte de voir ce que 2019 lui réserve.

LA SURPRISE – Mathieu Germain

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Mathieu Germain a remporté ses quatre combats en 2018. / Photo Vincent Éthier, fournie par EOTTM

Ce qui fut étonnant dans le cas de Mathieu Germain, ce n’est pas qu’il ait remporté ses quatre combats en 2018 – le jeune homme a du talent, quand même. C’est plutôt la manière dont il s’est établi dans le paysage pugilistique de la province au cours de la dernière année. Bien peu de gens s’attendaient à ce que son combat du 23 juin contre Christian Uruzquieta, pour prendre cet exemple, se solde par la spectaculaire pétarade à laquelle on a pu assister ce soir-là. Cette victoire a confirmé ses dons de showman dans un ring, et n’est certes pas étrangère au fait qu’il disputera la première finale de sa carrière le 26 janvier au Casino de Montréal, alors qu’il fera face à Steve Claggett.

LA DÉCEPTION – Custio Clayton

 

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Custio Clayton (à droite) lors de son combat contre Stephen Danyo, le 26 mai. / Photo Vincent Éthier, fournie par EOTTM

On ignore quelle mouche a piqué Custio Clayton en 2018, mais elle devait être grosse en s’il-vous-plaît pour qu’elle fasse dérailler sa carrière de la sorte. Tout semblait lui sourire depuis qu’il avait quitté les rangs du Groupe Yvon Michel pour joindre ceux d’Eye of the Tiger Management. Des combats, des titres mineurs, il en était même venu à se classer aspirant obligatoire au titre WBO des mi-moyens après avoir vaincu Stephen Danyo le 26 mai. Mais après cette victoire, pour des motifs qui n’ont jamais été clairement expliqués, il a refusé un pactole de Top Rank qui lui aurait permis de se mesurer à Terence Crawford, en plus de larguer son entraîneur Daniel Trépanier et son gérant Douggy Bernèche. Et on ne l’a pas revu dans l’arène depuis. Vraiment, c’est à n’y rien comprendre. Et c’est bien dommage.

LE HÉROS OBSCUR – Patrice Volny

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Patrice Volny a mis la main sur les titres NABA et NABO des poids moyens cette année. / Photo tirée de Facebook

Si les trois combats que Patrice Volny a disputés en 2018 avaient eu lieu au Québec plutôt qu’en Ontario, on aurait fait bien davantage état de ses exploits cette année. Après avoir défendu avec succès son titre canadien des poids moyens contre Janks Trotter le 19 mai, le boxeur montréalais s’est emparé des titres NABO et NABA de la catégorie en triomphant d’Albert Onolunose le 29 septembre. Ceintures qu’il a par la suite défendues avec succès contre Ryan Young le 15 décembre. Avec tout ça, le nom de Volny figure désormais aux classements mondiaux (10e WBO, 14e IBF et WBA).

LE COMBAT DE L’ANNÉE – Adonis Stevenson-Badou Jack

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Le combat entre Badou Jack (à gauche) et Adonis Stevenson s’est soldé par un verdict nul majoritaire. / Photo fournie par Showtime

Allez, soyez honnêtes. Quand ce combat entre Adonis Stevenson et Badou Jack a été annoncé, vous avez sans doute été plusieurs à vous dire : « Bon, encore un combat inégal pour Adonis, qui va régler le cas de Jack comme si de rien n’était ». Ou encore : « Si ce combat d’Adonis est comme ses derniers, ça va tellement finir vite que ça en sera ennuyeux ». Non, mais, qu’est-ce qu’on s’est trompés! Le choc entre Stevenson et Jack, qui s’est soldé par un verdict nul majoritaire le 19 mai à Toronto, nous a gardés au bout de notre siège de la première à la dernière seconde. Et, disons-le, nous a un peu réconciliés avec Stevenson, sans qu’on se doute du drame qui surviendrait quelques mois plus tard…

LE KNOCK-OUT DE L’ANNÉE – Arslanbek Makhmudov c. Andrew Satterfield

Il y avait quelques bons candidats pour recevoir cette mention cette année. Simon Kean qui envoie Adam Braidwood valser dans les câbles (une image qui rappelait vaguement le jeu vidéo Punch-Out!!). David Lemieux qui passe près d’arracher la moustache de Gary O’Sullivan en l’assommant d’un vicieux crochet gauche. Mais ne serait-ce que parce qu’on se demande comment la tête du pauvre Andrew Satterfield a pu rester vissée au reste de son corps, accordons l’honneur au terrifiant Arslanbek Makhmudov, qui a fermé les lumières de l’Américain en 35 petites secondes. Encore aujourd’hui, on a mal juste en revoyant la séquence.

LE PLUS BEAU RETOUR – Erik Bazinyan

Vincent Ethier/EOTTM©2018
Erik Bazinyan (à droite) a stoppé le vétéran Francy Ntetu le 13 octobre. / Photo Vincent Éthier, fournie par EOTTM

La carrière d’Erik Bazinyan faisait plus ou moins du surplace avant qu’il ne joigne les rangs d’Eye of the Tiger en début d’année. Depuis, son parcours a viré du tout au tout. Il a livré pas moins de cinq combats en 2018, et les a tous remportés avant la limite. On a encore en mémoire ce duel épique du 13 octobre contre le vétéran Francy Ntetu. Mine de rien, Bazinyan pointe maintenant au 3e rang de la WBO dans la catégorie des 168 lb, de même qu’au 12e échelon de la WBA. Âgé de seulement 23 ans, il pourrait réaliser de grandes choses en 2019.

L’ESPOIR À SURVEILLER – Sadriddin Akhmedov

Vincent EthierEOTTM©2018
Sadriddin Akhmedov saluant la foule après sa victoire du 24 novembre à Rimouski. / Photo Vincent Éthier, fournie par EOTTM

On a vite compris pourquoi Sadriddin Akhmedov avait été champion du monde junior avant de faire le saut chez les professionnels en 2018. Et on ne parle pas seulement ici du fait qu’il ait profité de l’année pour remporter ses six premiers combats en carrière. Le jeune Kazakh de 20 ans a tout pour lui : la carrure, le style, la puissance, le petit côté juste assez arrogant quand il le faut… En voilà un qui sera hautement intéressant à suivre au cours des prochaines années. Ne soyez pas étonnés si on le voit avec une ceinture – pas nécessairement mineure – autour de la taille avant longtemps.

QUELQUES SOUHAITS POUR 2019

-Avant tout, on espère que la suite des choses ne sera pas trop pénible pour Adonis Stevenson et son entourage, en dépit des circonstances. Cette grave blessure subie lors de son combat contre Oleksandr Gvozdyk nous a cruellement rappelé que derrière les boxeurs, il y a d’abord et avant tout des êtres humains. Et quelle que soit notre opinion de l’individu, on ne peut que souhaiter qu’il retrouve une certaine qualité de vie le plus rapidement possible.

-Du succès pour David Lemieux chez les 168 lb. Quoique la tâche s’annonce d’ores et déjà ardue pour le nouveau trentenaire…

-Que la dure défaite contre Dillon Carman ait servi de leçon pour Simon Kean afin qu’il retrouve ses repères et remonte dans le ring de façon convaincante.

-Si, dans le temps des Fêtes, on a l’habitude de souhaiter la santé à nos proches, on va faire de même pour Oscar Rivas, qui n’a certes pas été épargné par les blessures au cours des dernières années.

-Plus de combats dans l’arène pour Artur Beterbiev, et un peu moins dans les palais de justice.

-Des combats d’envergure pour Yves Ulysse fils et Steven Butler, qui s’imposent de plus en plus dans les classements mondiaux.

-Un règlement rapide et positif de la dispute entre Batyr Jukembayev et EOTTM, conséquence du congédiement de Stéphan Larouche par le promoteur. On comprend les raisons qui motivent les deux camps, mais ce serait quand même bête de laisser filer un joli talent comme celui du Kazakh.

-Et, bien sûr, une bonne et heureuse année 2019 à vous tous!

Le roi déchu

[Photo Bob Lévesque]

QUÉBEC – C’est quand même incroyable, quand on y pense. Samedi soir, au Centre Vidéotron de Québec, Adonis Stevenson, affrontait son aspirant obligatoire pour la première fois depuis… Tony Bellew, en 2013 ! Un événement à ce point rare qu’on a choisi de surnommer le gala «Obligatoire». C’est dire…

Et l’aspirant en question pour cette fois-ci, l’Ukrainien Oleksandr Gvozdyk, n’avait pas volé sa place. Invaincu en 15 sorties professionnelles, le médaillé de bronze aux Jeux de Londres en 2012 s’amenait même dans le ring en tant que favori, selon différents preneurs aux livres. Et avec le légendaire entraîneur Teddy Atlas dans son coin, par-dessus le marché.

Gvozdyk (16-0, 13 K.-O.) allait-il réussir là où neuf autres boxeurs avaient échoué avant lui ? Réponse : oui, et de brillante façon. Au terme d’un duel âprement disputé, l’Européen est venu à bout de Stevenson (29-2-1, 24 K.-O.) par arrêt de l’arbitre à 2 :49 du onzième round pour devenir le nouveau champion WBC des mi-lourds.

Au moment de l’arrêt, deux juges avaient Stevenson en avance sur leur carte, 96-94 et 98-92 (on a de la difficulté à la comprendre, celle-là, monsieur Jack Woodburn…). Le troisième avait un combat nul à 95-95, tout comme Ringside.

Après le combat, Stevenson a quitté le Centre Vidéotron sur une civière en direction de l’hôpital pour y passer différents tests. S’il semblait aller après le combat, le promoteur Yvon Michel a confié que le boxeur était ensuite devenu confus dans le vestiaire. On soupçonnait une sérieuse commotion cérébrale, et l’inquiétude régnait dans le camp Stevenson. Rien de bien rassurant pour le boxeur de 41 ans, en effet.

Si les premiers rounds sont allés à l’avantage du champion en titre, qui coupait admirablement bien le centre du ring en tentant de placer sa redoutable main gauche sur la cible, les assauts subséquents se sont avérés beaucoup plus serrés. Mais c’est au septième que Gvozdyk a véritablement ouvert la machine, plaçant Stevenson dans un véritable pétrin pour la première fois de l’affrontement.

Déjà qu’on sentait le champion ralentir, ce septième round aura ultimement signifié le début de la fin de Stevenson. Il a bien bataillé comme il l’a pu, rebondissant chaque fois qu’on le croyait fini pour de bon. Mais à un moment donné, la magie n’opérait plus. Le poids des années commençait-il à se faire sentir sur ses épaules ?

«Il était fatigué au 11e round. Mais la performance qu’il a livrée me dit qu’il est encore au niveau de l’élite. Gvozdyk est aussi bon que [Dmitry] Bivol, sinon plus.»

-Yvon Michel

Toujours est-il que Gvozdyk, qui n’en demandait pas tant, ne s’est pas fait prier pour en profiter, usant peu à peu son adversaire jusqu’à ce onzième round fatidique. À ce moment, il a solidement atteint Stevenson au visage d’une main droite. Ébranlé, Stevenson s’est mis à reculer jusque dans un coin. Il s’est ainsi retrouvé pris au piège.

Gvozdyk s’est aussitôt mis à le pilonner, heurtant à nouveau Stevenson de plein fouet au visage avec de puissantes droites. La dernière fut la bonne : Stevenson s’est effondré au tapis, et l’arbitre Michael Griffin a jugé que celui-ci en avait eu assez. Le règne du roi Adonis venait de prendre fin.

«Adonis gagnait pendant 10 rounds sur les cartes des juges. Ce fut un match d’escrime dans lequel Gvozdyk tentait de minimiser les erreurs», a analysé Michel.

La défaite et la perte de la ceinture fait évidemment mal à Stevenson. Mais on peut se demander s’il sera en mesure de poursuivre sa carrière, surtout si la gravité de ses blessures se confirme. À 41 ans, et maintenant père de cinq enfants, Stevenson serait fou de prolonger indûment son parcours en mettant ainsi sa santé en danger. Attendons de voir, mais pour l’instant, ça ne sent pas bon du tout.

Dicaire championne !

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Marie-Ève Dicaire était tout sourire en recevant sa nouvelle ceinture. / Photo Bob Lévesque

Il y avait un autre combat de championnat mondial samedi, chez les femmes, celui-là. Marie-Ève Dicaire, qui en était à une première expérience en pareilles circonstances, tentait de ravir le titre IBF des super-mi-moyens à l’Uruguayenne Chris Namus.

La pugiliste de Saint-Eustache attendait depuis longtemps l’occasion de se battre en championnat mondial, et elle n’avait certainement pas l’intention de rater sa chance. Disputant l’un de ses meilleurs combats jusqu’à présent, Dicaire (14-0) a accompli sa mission : elle a défait Namus (24-5, 8 K.-O.) par décision unanime (97-93, 97-93, 96-64) – et, du même coup, a en quelque sorte sauvé la soirée du Groupe Yvon Michel.

Ringside avait pour sa part un match nul à 95-95 sur sa carte. Comme quoi même les meilleurs ( !) peuvent se tromper.

«On l’a fait !, s’est exclamé la nouvelle championne à sa sortie du ring. Il y a quatre ans, on m’a dit que je n’allais plus boxer de ma vie. Mais il y a une équipe qui a cru en moi. […] Qui aurait cru qu’un jour, on aurait une championne de boxe féminine au Québec ?»

«Elle a livré la meilleure performance de sa carrière contre la meilleure adversaire qu’elle ait rencontré.»

-Yvon Michel

Il faut dire que les deux belligérantes se sont livré une bagarre endiablée – certainement l’un des très bons combats de boxe de l’année au Québec. L’action, tantôt à l’avantage de la Québécoise, tantôt à celui de la Sud-Américaine, a tenu le public sur le bout de son siège du début à la fin.

Namus avait peut-être l’avantage de l’expérience, mais au final, elle n’a pu neutraliser le talent de Dicaire pour esquiver ses attaques. Sans parler de la gauche de la Québécoise, d’une redoutable efficacité en contre-attaque.

«On savait que Namus mettrait de la pression et qu’elle était pesante dans ses coups, mais elle n’a pas l’intelligence que Marie-Ève peut avoir dans un ring», a décrit l’entraîneur de la gagnante, Stéphane Harnois.

Le duel ne fut pas de tout repos pour Dicaire qui, de son propre aveu, a dû puiser au plus profond de ses ressources pour résister à la pugnacité de sa rivale.

«Je n’avais plus de jambes au septième ou au huitième round. Mais la foule criait tellement fort. Je me disais que je ne pouvais pas laisser tomber ces gens-là.»

-Marie-Ève Dicaire

Et comment ! Au dixième et dernier round, Dicaire a livré ce qu’on pourrait décrire comme étant le meilleur round de sa carrière, passant bien près de coucher Namus – et, qui sait, récolter un premier knock-out à sa fiche. Namus a cependant résisté, de peine et de misère, jusqu’à la limite.

«Entre le neuvième et le dixième, on m’a motivée. On m’a dit : ‘tu vas être championne.’ J’ai seulement essayé de survivre, et ça a donné ce que ça a donné», a indiqué Dicaire.

On soulignera à juste titre le caractère historique de cette victoire de Dicaire, qui devient la première Québécoise championne du monde. Mais cette ceinture, c’est aussi la preuve de la vitesse à laquelle sa carrière a progressé depuis ses débuts professionnels en 2015. Un tel essor n’est pas le fruit du hasard : il témoigne d’abord et avant tout d’une attitude et d’une éthique de travail irréprochables

«Elle a fait tout ce qu’il fallait qu’elle fasse. Elle a été disciplinée dans le ring et dans tous les aspects de sa carrière», a fait valoir Michel.

Les autres résultats

Sébastien Bouchard (18-1, 8 K.-O.) a réglé le cas du Brésilien Vitor Jones Freitas (15-3, 9 K.-O.) en lui passant le knock-out à 1 :53 du troisième round grâce à un vif coup au corps.

Mikaël Zewski (32-1, 22 K.-O.) n’a eu aucun mal à disposer du Mexicain Aaron Herrera (35-9-1 24 K.-O.), l’emportant par décision unanime (100-90 partout). Il conserve ainsi sa ceinture WBC International des mi-moyens. Il s’agit d’une cinquième victoire consécutive pour Zewski depuis son retour au Québec, en juin 2017.

À son premier combat depuis le mois de mai, alors qu’il s’était blessé au bras à Toronto, Oscar Rivas (25-0, 17 K.-O.) a à peu près tout fait avec son adversaire, le Brésilien Fabio Maldonado (26-1, 25 K.-O.), sauf lui passer le knock-out. Il l’a bien envoyé au tapis au cinquième round, mais le Colombien a finalement dû se contenter d’une victoire par décision unanime (100-89, 99-90, 99-90). Rivas a cependant ralenti considérablement le tempo à partir du septième assaut, laissant même présager une autre blessure. Son combat du 18 janvier face à Bryant Jennings serait-il menacé ?

Prenez deux taupins qui sortent de leur débit de boisson favori complètement saouls à 3h du matin, offrez leur un peu d’argent pour qu’ils se tapent dessus, et vous devriez assister à un duel semblable à celui que nous ont offert l’Américain Aaron Pryor fils (21-11-2, 13 K.-O.) et le Brésilien Gilberto Pereira (14-9, 10 K.-O.). Duel qui est allé à l’avantage de Pryor par décision unanime (59-55 partout). Si Pryor, qu’on ne confondra jamais avec son illustre paternel, n’était pas le partenaire d’entraînement de Stevenson depuis longtemps, il n’aurait jamais été ajouté à la carte. Une vraie farce, ni plus ni moins.

Shakeel Phinn (19-2-1, 13 K.-O.) et Dario Bredicean (17-0-1, 5 K.-O.) s’affrontaient pour l’obtention du titre vacant IBF des super-moyens. Or, les deux pugilistes se sont livrés un combat nul majoritaire. Deux juges ont remis des cartes de 95-95, tandis que le troisième a vu Phinn gagnant à 98-92. Si Bredicean semblait avoir le dessus lors des premiers rounds, Phinn a repris le dessus à mesure que le duel avançait.

En lever de rideau, le poids lourd torontois d’origine ukrainienne Oleksandr Teslenko (15-0, 12 K.-O.) a forcé le Brésilien Edson Cesar Antonio (40-8-1, 31 K.-O.) à l’abandon à 2 :55 du troisième round. L’entraîneur du Sud-Américain a sagement lancé la serviette en voyant son boxeur aller au plancher pour une deuxième fois dans ce combat. Notons que Teslenko est un protégé de l’entraîneur Marc Ramsay.

L’heure de la grande question

[Photo David Spagnolo, fournie par Main Events]

La question refait invariablement surface lorsqu’on parle d’un vétéran boxeur qu’on sait sur ses derniers milles, mais qui poursuit malgré tout sa carrière. Sera-t-il de ceux qui auront livré le proverbial « combat de trop »? Et si c’est le cas, à quel moment ce damné combat aura-t-il lieu?

Aussi triste que cela puisse être à dire, Jean Pascal pourrait avoir livré ce combat de trop samedi soir, au Hard Rock Hotel & Casino d’Atlantic City, alors qu’il se mesurait au champion WBA des mi-lourds, Dmitry Bivol. Déjà fortement négligé aux yeux d’à peu près tout le monde avant la première cloche, le Lavallois s’est fait servir une véritable leçon de boxe par le Russe, qui l’a emporté par décision unanime (117-111, 119-109, 119-109). Ringside avait pour sa part Bivol gagnant à 118-110.

D’un bout à l’autre des 12 rounds de ce duel, Bivol (15-0, 11 K.-O.) a fait l’étalage de son talent encore cruellement mésestimé. Grâce à un jab efficace, il a gardé Pascal (33-6-1, 20 K.-O.) à distance. Ainsi, ce dernier n’a jamais été en mesure de placer quelque attaque sérieuse que ce soit. Les statistiques le montrent bien : Bivol a atteint la cible 217 fois dans ce combat, contre seulement 60 pour Pascal.

Mais c’est surtout sur le plan de la vitesse que l’immense canyon qui sépare les deux pugilistes était manifeste. Trop souvent, on a senti que Pascal avait les jambes lourdes devant Bivol. La différence d’âge (36 ans contre 27), entre autres choses, sautait aux yeux plus que jamais.

Pis encore, Pascal était visiblement exténué à partir du sixième round. Normal, à force de courir après un adversaire aussi élusif. Et déjà qu’il lançait peu de coups jusque-là, il en a envoyé encore moins par la suite. Certainement pas la situation idéale quand le knock-out devient essentiel pour l’emporter.

L’ancien champion WBC nous a bien offert quelques lueurs d’énergie ici et là, particulièrement au huitième et dixième rounds. Mais chaque fois, dès l’assaut suivant, cet élan soudain d’agressivité s’évanouissait… et Pascal replongeait alors dans la vase de laquelle il semblait tenter de se dépêtrer depuis le début de l’affrontement.

Pour tout dire, et au risque de paraître injustement sévère, c’est à peine si Bivol a eu à forcer pour réussir la troisième défense de son titre. Tout semblait si facile, si automatique pour lui. Ceux qui ne le connaissaient pas avant ce duel auraient intérêt à en apprendre davantage à son sujet, car vous allez le voir encore un bon bout de temps.

Que faire?

On l’a maintes fois répété, et on ne le dira jamais assez : aussi polarisant puisse-t-il être auprès de certains amateurs, personne ne pourra reprocher à Jean Pascal d’avoir esquivé les défis et de s’être donné un parcours aisé au cours de sa carrière.

Il s’est frotté à un Carl Froch et un Bernard Hopkins au sommet de leur art. Après une première défaite sans appel, il a réclamé un combat revanche contre Sergey Kovalev – et le résultat fut encore plus douloureux. Et maintenant, on peut ajouter le cas Bivol à cette liste.

Pascal a tout donné pour son sport et a contribué de façon considérable à le faire croître au Québec. Il n’a plus rien à prouver et personne ne lui en voudrait de conclure sa route ainsi.

On peut comprendre qu’il soit difficile pour un athlète de mettre un terme à sa carrière. Mais parfois, c’est la meilleure chose à faire pour ne pas avoir de regrets. Comme ceux que Pascal et son entraîneur Stéphan Larouche ont justement dit vouloir éviter en marge du combat de samedi.

Or, Pascal et son équipe ont immédiatement rejeté toute possibilité de retraite après le duel, préférant parler, en gros, d’une mauvaise soirée au bureau. Son préparateur physique Angel Heredia a quant à lui écrit sur Twitter que Pascal s’était battu alors qu’il était très malade – tweet qui a curieusement été supprimé peu de temps après que le gérant du boxeur, Greg Leon, a vivement nié cette affirmation.

Mais au fond, qu’importe si ce n’était qu’une dure soirée de travail ou le résultat d’un obscur ennui de santé. La question n’est pas là. Il s’agit pour Pascal de se demander à quoi ressemblera la suite des choses en ce qui le concerne à partir de maintenant.

À la lumière de sa performance de samedi, est-il réaliste de croire qu’il obtiendra une autre chance de se battre pour un titre mondial dans un avenir plus ou moins rapproché? Sera-t-il désormais condamné à jouer les faire-valoir et conclure un parcours jusqu’ici glorieux avec une série de combats d’envergure secondaire?

Chacun peut évidemment avoir son opinion sur le sujet. Mais c’est Pascal qui aura le dernier mot. En fier guerrier, il sera peut-être réticent à admettre que le temps est peut-être venu de raccrocher les gants – pour de bon, cette fois.

Mais qu’il le veuille ou non, il en est maintenant rendu à réfléchir encore plus sérieusement à son avenir. Et à se poser la grande question : « Qu’est-ce que je fais, maintenant? ».

Un Lafrenière nouveau… et victorieux

[Photo fournie par le Groupe Yvon Michel]

Cela faisait un bon moment qu’on avait vu Francis Lafrenière dans le ring. Il fallait en effet remonter au 15 mars, date de son amère défaite face à Albert Onolunose, qui lui a ravi son titre NABO des poids moyens.

C’est donc avec une certaine curiosité qu’on assistait à son retour dans l’arène samedi après-midi, au Casino de Montréal, alors qu’il affrontait le Brésilien Samir Barbosa. Lafrenière allait-il réussir à se relever de ce cruel revers ? Allait-il être rouillé après tous ces mois d’inactivité ?

Pas exactement, non. En fait, celui qu’on appelle The People’s Champ était visiblement affamé et n’avait pas l’intention d’éterniser le combat indûment. Ça tombe bien : il a réglé ça par arrêt de l’arbitre à 2 :29 du premier round.

«Beaucoup de gens m’ont fait remarquer à la pesée que j’étais extrêmement heureux d’être là. Il y en a qui ont dû se dire : « est-ce qu’il a fait ça pour le show ? » Pas du tout. J’étais vraiment content. Je veux boxer, je m’entraîne super fort», a expliqué le toujours sympathique Lafrenière (17-6-2, 10 K.-O.), qui était bien anxieux de pouvoir enfin reprendre du service.

Il faut dire que Barbosa (37-15-3, 26 K.-O.) était encore plus rouillé que son adversaire, alors qu’il n’avait pas vu d’action depuis plus de deux ans. Mais bien franchement, l’inactivité de l’un ou de l’autre n’aura pas été un facteur de quelque manière que ce soit dans ce duel.

Nouveau style

Dès la première cloche, le pugiliste de Coteau-du-Lac s’est rué sans hésiter sur son rival. Mais contrairement à ses sorties précédentes, lors desquelles il passait le plus clair de son temps le front collé sur celui de son opposant, il a travaillé en distance, utilisant son jab de belle façon.

«Ce n’est pas tout le monde qui veut travailler à l’intérieur avec moi, a-t-il fait valoir. […] On a vu dernièrement des gars qui accrochaient beaucoup. Ça fait mal paraître et les amateurs n’ont pas un super combat pendant ce temps. Je ne voulais plus leur redonner ça. Ils paient des billets, ils veulent voir du spectacle. C’est ce que je veux amener.»

Lafrenière l’admet, ce changement de style a en partie été motivé par sa défaite contre Onolunose, qui l’avait déjoué en adoptant une stratégie similaire. Et si on se fie aux dires du boxeur et de son camp, il semble bien qu’il faudra s’y habituer à plus long terme.

«On a eu des lumières dans le passé [qui nous ont indiqué] qu’on s’était fermé les yeux. Onolunose a fait en sorte qu’on a grandi de ça. On a eu une bonne réunion avec toute l’équipe après ça.»

-Francis Lafrenière

«Il y a eu de la reconstruction à faire, a pour sa part indiqué le promoteur Yvon Michel. Francis a eu du succès avec un style, et il a fini par penser que ce style serait bon tout le temps. Lorsqu’il s’est battu contre Onolunose, il était souvent en déséquilibre, échevelé, désorganisé et pas structuré. L’objectif, maintenant, est qu’il soit capable d’être structuré et organisé. Il a travaillé autour du jab, il variait ses combinaisons et surtout, il était en équilibre.»

Poursuivant son bon travail, Lafrenière est parvenu à emprisonner Barbosa dans le coin, avant de se mettre à le marteler de toutes parts, tant et si bien que l’arbitre Alain Villeneuve s’est interposé pour mettre un terme aux hostilités.

Arrêt un peu hâtif de la part de l’officiel ? On peut en débattre. Mais quoi qu’il en soit, il était déjà clair que ce combat qui, avec Barbosa, mettait en scène un boxeur à la fiche respectable et affichant plus d’une cinquantaine de combats au compteur – dont certains contre des noms connus tels Hassan N’Dam -, n’atteindrait pas la limite des huit rounds.

«[Barbosa] n’est peut-être pas le même gars que par le passé, mais moi non plus, je ne suis pas le même, a souligné Lafrenière. On ne rencontre jamais deux fois le même boxeur. Quand on parle d’un vétéran de 54 combats… J’ai livré la marchandise contre un gars comme celui-là.»

Lafrenière n’aura pas beaucoup de temps pour récupérer de ce combat – bien que ce ne fut certainement pas le plus épuisant. Il sera de retour dans un peu plus d’un mois, le 24 novembre, encore une fois au Casino. Après quoi, selon Yvon Michel, il pourrait croiser le fer avec Patrice Volny en février ou mars, question d’avoir la chance de récupérer sa ceinture NABO.

Peu importe l’identité de son prochain adversaire, Lafrenière entend bien poursuivre dans cette veine victorieuse. Mais attention, pas à n’importe quelle condition.

«On va rester sur cette lancée et travailler sur le même chemin, explique-t-il. En même temps, si on me donne un adversaire qui se crampe les pieds et que c’est mieux [de boxer avec mon ancien style], on va revenir au bon vieux taureau d’avant.»

Phinn expéditif lui aussi

En demi-finale, Shakeel Phinn (19-2, 13 K.-O.) n’a presque pas eu à forcer pour liquider l’Argentin Crispulo Javier Andino (20-12-1, 11 K.-O.) par arrêt de l’arbitre à 2 :30 du premier round.

Le champion canadien des super-moyens a envoyé son adversaire au tapis une première fois, avant de remettre ça quelques instants plus tard. Phinn a d’abord ébranlé Andino à l’aide d’une solide droite en plein visage, avant de l’achever d’une gauche tout aussi rude. L’officiel Martin Forest a jugé que le Sud-Américain avait assez souffert au cours de ce bref affrontement.

Après le combat, on a appris que Phinn aurait rendez-vous avec Dario Bredicean, qui a été l’un de ses partenaires d’entraînement, le 1er décembre au Centre Vidéotron, en sous-carte du combat entre Adonis Stevenson et Oleksandr Gvozdyk

Les deux hommes se disputeront le titre IBF Intercontinental des super-moyens. Celui-là même que Phinn aurait pu obtenir le 21 juillet en Nouvelle-Zélande, si son combat contre Mose Auimatagi fils n’avait pas été annulé.

Les autres résultats

Sébastien Bouchard (17-1, 7 K.-O.) n’a pas perdu de temps pour régler le cas du Mexicain Carlos Gorham (16-5-1, 10 K.-O.), l’emportant par arrêt de l’arbitre à 1 :17 du deuxième round. L’athlète de Baie-Saint-Paul a servi une violente combinaison droite-gauche au visage de son adversaire, qui s’est aussitôt effondré de tout son long. En voyant Gorham tenter péniblement de se relever, l’arbitre Yvon Goulet a préféré mettre un terme au duel.

Jean-Michel Bolivar (5-1, 3 K.-O.) a rapidement disposé du vétéran Mexicain Adriel Juzaino (26-18-3, 12 K.-O.) en lui passant le knock-out à 2 :51 du premier round. Bolivar, de Pointe-Calumet, a envoyé son rival au tapis grâce à une série de coups dans le coin de l’arène. Juzaino n’a jamais pu se relever à temps.

À défaut de récolter un premier knock-out en carrière, Tommy Houle (4-0) a tout de même pris la mesure du Mexicain Rafael Ortiz (3-2-1, 1 K.-O.) par décision unanime (39-37 partout). Le boxeur de Sainte-Béatrix, dans la région de Lanaudière, a ainsi ravi ses partisans venus l’encourager depuis les hauteurs du Cabaret du Casino.

Au nombre de coups qu’il reçoit sur le museau pendant un combat, c’est à croire que Yan Pellerin (3-1) éprouve un malin plaisir à se faire taper dans la figure. Ça ne l’a toutefois pas empêché de défaire le Mexicain Fidel Toscano (0-4) par décision unanime (40-36, 39-37, 39-37). Le pugiliste de Granby rebondit après avoir subi une première défaite à sa dernière sortie, le 20 juillet.

Les boxeurs ontariens Alex Dilmaghani (18-1, 7 K.-O.) et Kane Heron (12-0-1, 6 K.-O.) ont été à l’œuvre pour les deux premiers combats de la journée. Ils ont respectivement stoppé les Mexicains Cristian Arrazola (24-16-3, 17 K.-O.) et Carlos Lopez Marmolejo (9-6-1, 5 K.-O.) dès le premier round.