Pression? Quelle pression?

[Photo Mickey Williams, Top Rank]

On se demande ce qui est le plus étonnant : que Kim Clavel ait dominé aussi outrageusement Natalie Gonzalez mardi soir, à Las Vegas, ou que Camille Estephan et Yvon Michel aient pu être réunis pour une entrevue télévisée?

À bien y penser, il n’y a rien eu de vraiment surprenant dans la performance de Clavel (12-0, 2 K.-O.) au MGM Grand. Comprendre ici que la boxeuse a été fidèle à ses habitudes, déployant une boxe explosive, toute en vitesse, qui a complètement muselé sa rivale.

Si elle s’est tout de même bien défendue dans les circonstances, l’Américaine Gonzalez (6-1, 1 K.-O.), avec ses attaques souvent lourdaudes et vaseuses, n’a jamais rien pu faire pour inquiéter Clavel une seule seconde. Les trois cartes de 80-72 remises par les juges au terme des huit rounds de l’affrontement le démontrent hors de tout doute.

« Gonzalez était très combative. Elle avait beaucoup d’énergie. J’essayais d’augmenter le tempo [du combat] quand elle essayait de le diminuer. Elle avait les mains lourdes, mais elles n’avaient pas de [dynamisme] », a décrit Clavel en entrevue sur les ondes de RDS après sa victoire.

Son titre NABF des mi-mouches n’était peut-être pas à l’enjeu pour ce combat, reste que la Québécoise avait toutes les raisons du monde de sentir une insoutenable pression sur ses épaules en s’amenant sur le ring.

D’abord, en disputant un premier combat en sol américain, elle devait livrer une performance convaincante pour prouver qu’elle mérite sa place dans ce marché. Voilà qui est maintenant chose faite, et nul doute qu’elle recevra un appel de Top Rank pour se battre à nouveau au sud de la frontière sous peu.

Clavel savait aussi qu’à titre de lauréate du prix Pat-Tillman pour son implication humanitaire durant la crise de la COVID-19, récompense qui lui a attiré une forte notoriété à travers l’Amérique, elle susciterait une certaine curiosité auprès de ceux qui ne la connaissaient pas auparavant. Le moment aurait été bien mal choisi pour celle qui a repris du service comme infirmière durant la pandémie pour décevoir tous ces nouveaux amateurs potentiels, n’est-ce pas?

« Beaucoup d’éléments auraient pu l’influencer, mais Kim les a tous tournés en facteurs positifs. C’était son carburant », a souligné l’entraîneuse de Clavel, Danielle Bouchard.

Il faut dire que Clavel avait aussi une source de motivation bien personnelle en vue du duel.

« Je sens que tout le travail que j’ai fait [durant la pandémie] a été récompensé d’une certaine façon. Je pensais à mes patients, à ceux que j’ai perdu. Je me battais pour eux [mardi] soir », a-t-elle confié.

Clavel a pu s’exécuter sous les yeux d’un vaste public nord-américain, mais il va sans dire que ses partisans québécois étaient les plus attentifs de tous. Avouons-le, ça faisait du bien de voir enfin une de nos boxeuses en action. Ne reste plus qu’à espérer qu’on pourra la revoir chez nous dans un avenir rapproché.

À ce sujet…

Réunion improbable… et importante

Comme on le mentionnait plus haut, RDS a réussi un exploit qui était encore impensable en début d’année à peine en réunissant Yvon Michel et Camille Estephan pour une entrevue – Estephan communiquant via appel vidéo, pandémie oblige.

Pensez-y un petit instant : ces deux promoteurs rivaux, pour ne pas dire ennemis jurés, qui acceptent d’apparaître (presque) côte à côte à la télévision. Jusque-là, une telle scène était à peu près aussi probable qu’une victoire du Canadien en finale de la coupe Stanley d’ici cinq ans.

Plus sérieusement, il faisait bon de voir les deux hommes ensemble pour se porter à la défense de leur sport. On l’a écrit ici, si l’industrie de la boxe veut arriver à convaincre la Santé publique de faire marche arrière et enfin permettre la tenue de combats au Québec, un front commun solide et durable est nécessaire. Et Michel et Estephan, en leur qualité de plus importants organisateurs de galas de la province, en sont les piliers.

Ainsi, tous deux ont à nouveau déploré la décision de la Santé publique, qui fait de moins en moins de sens à mesure que le temps passe et que les combats ont lieu ailleurs dans le monde. Mais surtout, ils ne comprennent pas pourquoi le gouvernement ne semble même pas vouloir discuter davantage de la question.

« Il faudrait un dialogue, qu’on se rencontre. On ne peut pas juste écarter une industrie et les gens qui en font partie sans tenter de remettre les choses en place. »

-Yvon Michel

« Si on reste longtemps sans que rien ne se produise, des gens vont prendre leur retraite, a -t-il fait valoir. Il y aura un exode des boxeurs. Il faudra recommencer à zéro. »

Estephan a quant à lui indiqué qu’il allait soumettre un second protocole sanitaire aux autorités, qui prévoira notamment des tests quotidiens pour les boxeurs et leur entourage durant une période de 14 jours consécutifs. Si la Santé publique devait à nouveau rejeter sa proposition, ce serait « un non-sens complet », dit-il. Mais pas question d’abandonner le combat malgré tout.

« Ce n’est pas vrai qu’on va laisser tomber les athlètes et nos fans. »

-Camille Estephan

En plus des deux promoteurs, d’autres acteurs du milieu fourbissent leurs armes face à la Santé publique. Un groupe Facebook, créé par la boxeuse Marie-Pier Houle et réunissant divers gens liés de près ou de loin aux sports de combat, comptait tout près de 1500 membres au moment d’écrire ces lignes. On y brasse entre autres différentes idées pour attirer l’attention du gouvernement et de la population sur la situation actuelle de la boxe ici.

La résistance s’organise et s’active. Et c’est elle qui déterminera si la boxe pourra survivre ou non au Québec.

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Rédemption obtenue

[Photo Vincent Éthier, fournie par EOTTM]

SHAWINIGAN – Ce ne fut pas très chic. Ce ne fut pas très élégant d’un point de vue pugilistique. Mais Simon Kean, lui, s’en balance complètement. Parce qu’en bout de ligne, samedi soir, il a eu ce qu’il voulait: sa rédemption.

Huit mois après sa cuisante défaite face à Dillon Carman, le Grizzly a pu savourer une douce vengeance au Centre Gervais Auto de Shawinigan en triomphant de l’Ontarien par arrêt de l’arbitre à 1:56 du troisième round, au vif plaisir des 3652 spectateurs réunis dans l’amphithéâtre.

Comme on l’écrivait ici, Kean (17-1, 16 K.-O.) n’avait d’autre choix que de remporter ce combat revanche. Un second revers contre Carman (14-5, 13 K.-O.) aurait à peu près mis un terme à sa carrière. Or, il a non seulement gagné, il a signé une victoire claire et nette.

«Je suis soulagé. Je suis vraiment fier!», a lancé Kean dans le ring, quelques instants après sa victoire.

«Il bougeait sa tête beaucoup plus [que lors du premier combat], a analysé Carman. Il avait peur de ma main droite, alors il ne l’a pas laissée l’atteindre.»

Il y avait pourtant lieu de s’inquiéter dans les premiers instants de l’affrontement. Carman faisait alors à peu près ce qu’il voulait avec son adversaire, l’atteignant constamment avec un jab hyper-efficace. Kean, à l’opposé, ne semblait pas trop savoir quoi faire devant une telle rafale.

«Je lui ai fait mal à quelques reprises durant le combat. Je l’ai atteint avec quelques très bons jabs qui lui ont fait reculer la tête, et j’aurais dû continuer avec ça. […] C’était mon erreur», a avoué Carman.

La nervosité était toujours aussi palpable chez Kean au deuxième engagement, à tel point que son entraîneur Jimmy Boisvert a jugé que le moment étant venu de sortir le fouet durant la minute de pause.

«On a eu une petite discussion entre les rounds. Il avait oublié de suivre le plan de match établi dès le début», a-t-il simplement décrit.

«Il m’a botté le cul!, a confirmé Kean en riant. Il m’a dit: ‘Écoute, tu fais pas ce que je t’ai demandé, tab… Envoye, va te battre! Arrête de faire ton peureux!’ J’ai dit: ‘OK, c’est correct’.»

De toute évidence, le discours a eu l’effet qu’il devait avoir. À la troisième reprise, le Trifluvien a ouvert la machine et commencé à attaquer Carman de manière bien plus agressive.

La défense du boxeur de Mississauga s’est alors effritée petit à petit. En plus d’être coupé sur le côté de l’oeil droit, Carman s’est retrouvé au tapis à la suite d’un crochet droit au visage. Il s’est relevé, mais n’était plus le même par la suite.

Quelques secondes plus tard, Kean l’emprisonnait dans un coin de l’arène pour le pilonner sans merci. C’est alors que l’arbitre Steve St-Germain s’est interposé pour mettre fin au duel, et du même coup, semer l’euphorie dans l’arène et chez les bruyants partisans. Un arrêt un peu hâtif au goût de Carman, mais bon, ce qui est fait est fait.

Chaque boxeur ayant remporté un volet de leurs affrontements, verrons-nous un autre duel Kean-Carman sous peu? En tout cas, Carman le souhaite ardemment.

«Ils [Eye of the Tiger Management] m’ont dit qu’ils m’accorderaient une revanche pour organiser la trilogie. Tout le monde aime les trilogies de boxe, alors allons-y», a-t-il affirmé.

Du côté des vainqueurs, si on ne ferme pas la porte à une telle éventualité, on demeure tout de même prudent. «Si les fans veulent un troisième combat, je vais le donner. Je suis ouvert à n’importe quoi», a fait savoir Kean.

Donc, arrivera, arrivera pas, cette trilogie? À la lumière des deux premiers combats entre ces deux hommes, on a envie de dire: pourquoi pas?

Clavel toujours aussi dominante

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Kim Clavel (à droite) est demeurée parfaite en neuf sorties. / Photo Vincent Éthier, fournie par EOTTM

Autre combat, autre belle sortie pour Kim Clavel (9-0, 2 K.-O.), qui a vaincu la Mexicaine Nora Cardoza (14-7-2, 11 K.-O.) par décision unanime (80-72 partout). Un pointage étonnant dans la mesure où le duel a souvent semblé beaucoup plus serré.

«Elle s’est ajustée durant le combat. Elle a terminé en force. Ce n’était pas un combat facile lors duquel il fallait que je sois paresseuse ou un peu easygoing, comme on dit. Il fallait que j’aille travailler et que je sorte les outils que j’avais dans mon sac», a analysé Clavel.

Ce sont précisément les aptitudes techniques et la rapidité de Clavel qui auront fait pencher la balance en sa faveur au final. Cardoza, malgré quelques honorables tentatives pour se mettre en marche offensivement, s’est retrouvée menottée plus souvent qu’à son tour.

«Tout ce que j’ai travaillé dans le gym, j’ai pu le faire pendant le combat, a fait valoir Clavel. Pour moi, c’est donc un accomplissement. J’ai évolué, et c’est ce qu’on recherchait ce soir.»

Retour victorieux pour Braidwood

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Adam Braidwood / Photo Vincent Éthier, fournie par EOTTM

Un an après y avoir connu la défaite aux dépens de Simon Kean, Adam Braidwood (14-2, 13 K.-O.) était de retour à Shawinigan pour y affronter l’Américain Andrew Satterfield (5-3, 3 K.-O.). Mais cette fois, le boxeur de Colombie-Britannique est ressorti du ring victorieux, l’emportant par abandon à 1:17 du deuxième round.

Une judicieuse décision du coin de Satterfield que de lancer la serviette, car ce dernier, que les Québécois ont pu voir raser de se faire dévisser le crâne par Arslanbek Makhmudov à Rimouski, n’arrivait tout simplement plus à se défendre face aux violents assauts de Braidwood.

Le moins qu’on puisse dire, c’est que le Britanno-Colombien revient de loin. Entre sa défaite contre Kean et le combat de samedi, le pugiliste au passé trouble s’est retrouvé derrière les barreaux après avoir téléphoné à son ex-conjointe, alors qu’il n’avait pas le droit de la contacter. Une fois relâché, il a repris l’entraînement de façon assidue. Et les résultats étaient manifestes, surtout sur le plan de la technique et de la condition physique.

«Je sens que c’était mon meilleur combat sur le plan technique, a indiqué Braidwood. Je suis heureux de la façon dont ça s’est déroulé. Mais j’ai encore beaucoup de travail à faire, et j’ai hâte d’être de retour.»

Mais ce qui était aussi impressionnant, c’est l’accueil que le public de Shawinigan a réservé à Braidwood, chaleureusement applaudi à son entrée et sa sortie de l’arène. Ennemi public numéro un l’an dernier, le sympathique poids lourd semble maintenant s’être trouvé une niche de partisans ici. Voilà quelque chose qu’on n’aurait jamais envisagé il n’y a pas si longtemps.

«C’est incroyable, s’est réjoui le gagnant. C’est comme si c’était une foule de chez moi. J’aime les gens du Québec et j’espère qu’ils m’aiment aussi. Ils me le démontrent chaque fois qu’ils m’encouragent.»

Braidwood doit affronter le Canadien Stan Surmacz à Edmonton au cours des prochains mois. Considérant l’hospitalité que le Québec lui témoigne désormais, avons-nous des chances de le revoir chez nous bientôt?

«Disons-le comme ça: chaque fois qu’il y aura un combat au Québec, si mon téléphone sonne, je vais dire oui», a-t-il résumé avec le sourire.

Les autres résultats

Tout juste après le combat principal, Lexson Mathieu (4-0, 4 K.-O.) a connu une autre brève soirée au bureau en passant le knock-out au Mexicain Fernando Galvan (4-4, 1 K.-O.) à 1:57 du deuxième round. Encore une démonstration intéressante du talent du jeune homme de Québec.

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Andranik Grigoryan jubilait après sa victoire. / Photo Vincent Éthier, fournie par EOTTM

En demi-finale, Andranik Grigroyan (11-0, 2 K.-O.) s’est offert un rarissime knock-out en terrassant le Mexicain Jorge Garcia Jimenez (14-3-1, 11 K.-O.) à 3:00 du deuxième round. Le Montréalais d’origine arménienne, qui n’est pourtant pas reconnu pour sa force de frappe, a liquidé son adversaire avec une puissante droite en plein visage. Jimenez s’est aussitôt effondré comme une tonne de briques. Grigoryan, en larmes après sa victoire, a ainsi mis la main sur le titre vacant NABA des poids plumes, ce qui devrait lui permettre de se faufiler dans le top-15 de la WBA lorsque celle-ci mettra ses classements à jour.

Au terme d’un combat pour lequel le concept de défense avait manifestement pris congé, Vincent Thibault (9-0, 3 K.-O.) a battu le Mexicain Alan Carrillo (10-4, 7 K.-O.) à 0:37 du sixième round. Carrillo, qui avait chuté au cinquième, se faisait marteler dans le coin au moment où l’arbitre Yvon Goulet a signalé la fin du duel. L’entraîneur de Carrillo, furieux de la décision, est monté dans l’arène pour lui dire sa façon de penser. Mal lui en pris: les officiels de la Régie des alcools, des courses et des jeux du Québec ont rapidement expulsé l’homme du ring.

Raphaël Courchesne (7-0, 3 K.-O.) n’a eu aucun mal à triompher du Mexicain Leonel Olvera (4-3-2, 1 K.-O.), l’emportant par décision unanime (40-36 partout). Le pugiliste maskoutain a tout tenté son envoyer son adversaire au plancher, mais Olvera n’a rien voulu savoir. Rappelons que Courchesne sera de retour dans le ring dans deux petites semaines, le 29 juin, à Thetford Mines.

Pour la première fois de sa jeune carrière, Artur Ziyatdinov (10-0, 8 K.-O.) s’est battu au-delà du sixième round. Ce qui ne l’a pas empêché de prendre aisément la mesure de l’Argentin Marcos Nicolas Karalitzky (6-3-2, 2 K.-O.) par décision unanime (80-72 partout) au terme des huit reprises de ce duel à sens unique.

Kaemy Cloutier (3-0) est venu à bout du Mexicain Noe Acosta Cruz (2-2) par décision unanime (39-37, 40-36, 40-36), mais ne vous fiez pas trop aux pointages. Le combat, intense d’un bout à l’autre, s’est avéré beaucoup plus serré qu’il n’y paraît. Cloutier s’est retrouvé en difficulté, pour ne pas dire ébranlé, à quelques reprises durant cet affrontement.

En lever de rideau, la dernière recrue d’Eye of the Tiger Management, Avery Martin-Duval (1-0, 1 K.-O.) a réussi son entrée en boxe professionnelle en réglant le cas du Mexicain Martin Sanchez (2-4-1) par arrêt de l’arbitre à 2:10 du premier round. Une dure gauche du jeune Montréalais a envoyé Sanchez au tapis. L’arbitre Albert Padulo fils a alors décidé de mettre fin au duel.