Démonstration de ténacité

[Photo tirée du compte Twitter de Showtime]

Comme cadeau de fin d’année, on pouvait difficilement demander mieux. Samedi soir, au State Farm Arena d’Atlanta, Jean Pascal et Badou Jack nous ont offert un spectacle enlevant du début à la fin, couronné en prime par une victoire du Québécois. Un gain à l’arraché, aux allures presque hollywoodiennes.

Au terme des 12 rounds de l’affrontement, deux juges ont donné Pascal (35-6-1, 20 K.-O.) gagnant avec un pointage de 114-112, tout comme Ringside, d’ailleurs. Le troisième officiel avait le même score sur sa carte, mais en faveur de Jack (22-3-3, 13 K.-O.).

Pascal a donc réussi, non sans peine, à conserver sa ceinture WBA des mi-lourds, déjà acquise contre toute attente face à Marcus Browne plus tôt cette année. Mais le champion est venu bien près de se faire jouer un vilain tour pour cette première défense de son titre.

Si Pascal a complètement dominé la première moitié du duel, faisant au passage visiter le plancher à Jack lors du quatrième assaut, le vent a subitement tourné à partir de la sixième reprise. Le Suédois, plutôt discret jusque-là, s’est réveillé d’un coup sec et a profité de la fatigue qui gagnait son rival pour imposer le rythme à son tour.

Ainsi, le confortable coussin que Pascal avait pu se construire sur les cartes des juges s’est peu à peu aminci, faisant douter même les plus ardents partisans du Lavallois de ses possibilités de victoire. Et quand ce fut au tour d’un Pascal à bout de souffle de se retrouver au tapis au 12e round, un parfum de catastrophe a commencé à se faire sentir. D’aucuns se sont mis à croire que c’en était fait du champion défendant. Et pourtant, le voilà encore au sommet.

Jack aurait-il mérité de gagner? Sans doute, oui. Mais a-t-il été victime d’un vol pour autant? Pas une seconde.

Cette victoire, Pascal l’a obtenue de deux manières. D’abord, en neutralisant Jack avec un jab efficace et des attaques soutenues. Puis, lorsque les choses se sont mises à tourner au vinaigre pour lui, il s’est livré à une brillante démonstration de ténacité et de volonté qui a assurément plu aux juges – et encore plus au public.

Il s’est démené avec toute l’énergie du désespoir qui lui restait pour survivre jusqu’à la fin du combat, hypothéquant dangereusement sa mâchoire. Rares sont les boxeurs qui auraient pu encaisser le même volume de coups et atteindre la limite malgré tout. On aura beau reprocher ce qu’on voudra à Pascal, on ne pourra jamais l’accuser d’être un lâche.

Le gain est d’autant plus satisfaisant dans la mesure où il vient auréoler encore davantage une année qui aura été synonyme de résurrection pour lui. Comme on l’évoquait ici en guise d’avant-match, l’avenir de Pascal paraissait bien incertain après sa deuxième défaite contre Sergey Kovalev, en janvier 2016. Et outre quelques petites étincelles éparses, il y a souvent eu lieu de se demander à quoi tout cela allait bien rimer en bout de ligne au cours des dernières années. Maintenant, on le sait.

Parlant d’avenir, il faudra voir ce qu’il réserve désormais à Pascal. Le nom d’Artur Beterbiev, tenant des titres IBF et WBC de la catégorie, a été évoqué pour un duel d’unification qui attirerait à coup sûr l’attention. Mais soyons honnêtes, on voit mal comment Pascal – ou même tout autre mi-lourd à l’heure actuelle – pourrait s’emparer des ceintures de Beterbiev. Le Russe est un char d’assaut humain, rien de moins.

Et si on décidait, comme d’autres l’ont suggéré un peu partout sur les réseaux sociaux, d’organiser un combat mettant Beterbiev en vedette, alors que Pascal ferait les frais de la demi-finale? Un combat revanche contre Jack, disons? Après tout, avec un résultat aussi partagé que celui de samedi, il serait presque criminel de ne pas présenter un deuxième épisode.

Amusons-nous un peu, et supposons qu’il s’agisse du scénario retenu. Faisons-nous encore plus plaisir et imaginons que le gala soit présenté au Centre Bell, par exemple. Vous imaginez toute la frénésie qu’il y aurait ici autour de l’événement?

Pascal confiait d’ailleurs récemment à Ringside qu’il aimerait bien revenir se battre au Québec, lui qui a disputé ses trois derniers combats aux États-Unis. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’avec cette excitante victoire contre Badou Jack, l’occasion serait plus que belle de rentrer à la maison.

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Les fruits de l’entêtement

[Photo tirée du compte Twitter de Showtime]

Avant de sauter à pieds joints dans l’année 2020, offrons-nous un petit voyage dans le temps, si vous le voulez bien. Commençons le tout en nous replongeant en 2016.

En janvier de cette année-là, Jean Pascal se fait massacrer par Sergey Kovalev au Centre Bell. Et le mot n’est pas trop fort. Pleurant à chaudes larmes au sortir du ring, il admet avoir « trouvé chaussure à son pied ». La scène était frappante. Jamais ce boxeur si fier et sûr de lui n’avait paru si fragilisé auparavant.

Pascal disparaît ensuite de la carte pendant plusieurs mois. Le temps de se refaire une santé physique, mais surtout mentale. Il faudra attendre jusqu’en décembre pour le revoir dans l’arène, à Trois-Rivières. Flanqué de son nouvel entraîneur Stéphan Larouche, il triomphe facilement d’un adversaire de troisième ordre. L’identité et la qualité du rival importait peu, toutefois. On voulait surtout voir si la blessure Kovalev s’était cicatrisée. S’il pouvait encore boxer. Mission accomplie à cet égard, donc.

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Eleider Alvarez (à droite) et Jean Pascal lors de leur combat de juin 2017, au Centre Bell. / Photo archives Bob Lévesque, fournie par le Groupe Yvon Michel

Arrive 2017. En juin, Pascal est de retour au Centre Bell, sur les lieux du drame, pour y affronter Eleider Alvarez. Après 10 bons rounds, Alvarez est donné gagnant par décision majoritaire. Plusieurs se demandent alors si Pascal ne devrait pas raccrocher ses gants. C’est justement ce que le principal intéressé annonce avoir l’intention de faire au terme d’une ultime sortie, en décembre, contre un espoir bien coté, Ahmed Elbiali. Pascal crée en quelque sorte la surprise en stoppant Elbiali au sixième assaut.

Alors qu’on le croit retraité pour de bon, Pascal renoue avec la compétition en juillet 2018 pour offrir ses vrais adieux à ses partisans québécois en se frottant à l’ex-combattant d’arts martiaux mixtes Steve Bossé. Un duel sans grande valeur pugilistique, conçu essentiellement pour vendre des billets. Et encore là, cet objectif sera raté. Pascal, logiquement, se défait de Bossé en huit rounds.

La retraite, c’est donc vrai, maintenant? Que non! À l’étonnement général, Pascal annonce un autre combat, et pas le moindre : un affrontement en novembre contre Dmitry Bivol, champion WBA des mi-lourds. Pascal réussit à faire la distance, mais n’est pas en mesure de répondre à la grande vitesse de Bivol. Ce dernier conserve sans problème son titre par décision unanime.

Cette défaite allait-elle finalement convaincre Pascal d’arrêter? Au contraire : en août dernier, il affronte Marcus Browne pour le titre intérimaire de la WBA. Le duel est serré, mais au huitième round, une coupure accidentelle force Browne à déclarer forfait. Pascal met donc la main sur la ceinture, et devient « vrai » champion WBA lorsque la fédération se dépêtre enfin des méandres administratifs qu’elle a elle-même créés.

Incroyable mais vrai : huit ans après avoir été dépouillé de son titre WBC, Jean Pascal est de nouveau champion du monde.

Suivre sa voie

Pascal est le premier à l’admettre, ces dernières années ont pris des allures de véritables « montagnes russes ». Mais pendant que les voix qui l’imploraient de cesser de prolonger indûment sa carrière et de se retirer une fois pour toutes résonnaient de plus en plus fort, le Lavallois a poursuivi son chemin. Envers et contre tous.

« C’est dans l’adversité qu’on forme les champions. […] Ça n’a pas toujours été facile, mais je ne me suis pas laissé ébranler. J’ai gardé le cap vers un championnat du monde, et j’ai réussi mon pari », a-t-il confié à Ringside lors d’une récente entrevue.

Les critiques ont toujours été abondantes à l’endroit de Pascal. Nombreux sont ceux qui ont été refroidis par ses déclarations à l’emporte-pièce et son côté frondeur, orgueilleux. Et plusieurs se sont demandé pourquoi diable persistait-il à vouloir se battre, alors que tout laissait croire qu’il n’était plus dans le coup.

Or, aujourd’hui, force est d’admettre qu’il a eu raison de persévérer. Être têtu n’est pas toujours une qualité. Mais dans le cas de Pascal, c’est précisément son entêtement qui est à l’origine de sa renaissance.

« Il ne faut pas écouter les gens, affirme le boxeur. Il faut les laisser avoir leur opinion.  Les gens ne sont pas dans mon cerveau. Ils ne connaissent pas mes capacités physiques et mentales.

« Mon but était noble et réalisable, ajoute-t-il. J’ai mis les efforts et la discipline nécessaires afin de le réaliser. »

Favori? Ça dépend…

Question de clore cette année en beauté, Pascal tentera de défendre son titre pour la première fois d’ici quelques heures en affrontant Badou Jack à Atlanta. Un combat fort intéressant sur papier, et qui risque d’être âprement disputé.

De plus, pour la première fois depuis des lunes, Pascal montera dans le ring en tant que favori pour l’emporter aux yeux de plusieurs. Le fait d’avoir la ceinture autour de la taille donne toujours un coup de pouce en ce sens, bien sûr. Cependant, le principal intéressé n’est pas du tout d’accord avec cette évaluation.

« On peut prétendre que je suis le favori, mais dans ma tête, je ne le suis pas. »

-Jean Pascal

Pascal rappelle qu’il affronte un boxeur de l’écurie de Floyd Mayweather, que le gala est organisé par Mayweather et qu’il est diffusé sur les ondes d’un réseau lié de près au légendaire champion. Et quand on connaît toute l’influence que le bon monsieur Money peut avoir, il y a lieu de se tenir prêt à toute éventualité… et d’y aller d’une performance convaincante dans l’arène.

« Je ne veux laisser aucun doute dans la tête des gens et des juges », prévient-il. Ce qui ne signifie pas pour autant de pécher par impatience et d’abandonner sa stratégie.

« Je ne vais pas chercher le knock-out, car c’est lorsqu’on le cherche qu’on ne l’obtient pas. Je vais boxer avec toute l’étendue de mon talent. Je vais livrer des rounds serrés à Badou Jack. »

Comme n’importe quel boxeur, Pascal se dit entièrement concentré sur ce prochain combat. Il refuse pour le moment d’envisager quelque scénario que ce soit qui suivrait cette sortie, peu importe le résultat. Une chose est toutefois claire dans son esprit : « La défaite n’est pas une option ».

Est-ce à dire qu’il opterait pour une retraite définitive advenant la perte de sa ceinture? Encore là, Pascal ne veut pas y penser. On peut certainement le comprendre. Reste qu’il faudra bien se poser (encore) cette damnée question si ça se produit.

Mais quelle que soit l’issue de cet affrontement, il faudra reconnaître que Pascal en a fait mentir plus d’un ces dernières années. Et saluer sa ténacité dans ce qui a souvent paru être un torrent d’adversité. Oui, il lui restait bel et bien du carburant dans le réservoir.

Vengeance obtenue

[Photo fournie par Golden Boy Promotions]

Avant toute chose, Ringside doit vous offrir ses excuses. Contrairement à son habitude, l’humble blogue de boxe que vous lisez actuellement ne pourra vous livrer une analyse entière et détaillée du combat qui opposait Yves Ulysse fils et Steve Claggett jeudi soir, en Californie.

La raison : la retransmission en direct de l’événement, présenté par DAZN et Golden Boy Promotions, a connu d’importants ratés – et on est gentils en le disant ainsi. Le public s’est donc retrouvé dans le noir plus souvent qu’à son tour durant le combat, et ne s’est pas gêné pour faire connaître sa frustration. On y reviendra un peu plus tard, si vous le voulez bien.

Yves UIysse (18-1, 9 K.-O.), donc, avait de nouveau rendez-vous avec l’Albertain Steve Claggett (27-6-2, 17 K.-O.), qui l’avait surpris en 2017 à Montréal en lui infligeant une défaite hautement controversée – la première de sa carrière – par décision partagée.

Ulysse trépignait depuis ce temps à l’idée d’obtenir un combat revanche, et son souhait a finalement été exaucé jeudi, au Fantasy Springs Casino d’Indio. Le Québécois a profité de l’occasion pour rendre à Claggett la monnaie de sa pièce et venir à bout du pugiliste de Calgary par décision unanime (96-94, 97-93, 97-93).

Ulysse a du même coup mis la main sur le titre « Gold » de la WBA chez les super-légers, plus récente déclinaison des nombreuses ceintures que remet la fédération dans chaque catégorie de poids.

« Dans ma ville, on dirait ‘tabarnak’!, a lancé en boutade le vainqueur en entrevue dans le ring après le combat. Je n’ai pas de mots pour décrire cette victoire. Ce n’était pas un combat facile. »

Claggett, lui, semblait complètement tétanisé après l’annonce du verdict des juges. « Je pensais avoir gagné… », a-t-il soupiré, encore incrédule.

Recette connue

Lors du premier affrontement entre les deux hommes, un Claggett teigneux avait forcé Ulysse à jouer son jeu, alors que ce dernier préfère plutôt étourdir ses adversaires avec sa grande mobilité. En conséquence, les corps-à-corps avaient été nombreux et plusieurs rounds s’étaient avérés difficiles à départager, ce qui n’est pas étranger au résultat litigieux qui a suivi.

Claggett a tenté d’appliquer la même recette pour ce second choc. Or, de toute évidence, Ulysse y était préparé. Le protégé de Rénald Boisvert, bien qu’il ait eu fort à faire pour repousser les assauts incessants de son rival, s’est démarqué avec des attaques précises et efficaces.

Après deux rounds plus ou moins à l’avantage de Claggett, Ulysse a ouvert la machine au troisième engagement, atteignant la cible de manière convaincante à quelques reprises. Mais Claggett, toujours aussi coriace, n’a jamais flanché et a assuré une réplique plus qu’honorable.

On suppose que la tendance s’est poursuivie en deuxième moitié de combat, et que quelque part au passage, Ulysse a fait ce qu’il fallait pour devancer Claggett pour de bon sur les cartes de pointage. Si seulement on avait pu voir quelque chose des cinq derniers rounds…

Grâce à cette victoire et la ceinture qui l’accompagne, Ulysse devrait effectuer un bond appréciable dans les classements mondiaux. Il a du même coup cimenté un peu plus son statut d’étoile montante dans la division des super-légers. On a déjà hâte de connaître la suite pour lui.

Amateurisme à l’écran

Ce second choc Ulysse-Claggett constituait le plat de résistance du premier gala de la nouvelle série Thursday Night Fights, œuvre conjointe de DAZN et Golden Boy Promotions.

Nul doute que le combat a répondu aux attentes pour lancer l’événement. Mais la piètre qualité de la retransmission en direct du gala, disponible entre autres via la page Facebook de Golden Boy, a failli tout torpiller.

En fait, les choses allaient relativement bien jusqu’au combat principal. C’est à ce moment que le signal s’est mis à faire des siennes. Images embrouillées ou figées, perte du son et/ou de l’image, tout y est passé. On n’a pratiquement rien pu voir de la dernière partie du combat.

Heureusement, la situation a pu être rétablie à temps pour l’annonce de la décision. Mais le mal était largement fait. Parlez-en aux nombreux spectateurs qui exprimaient en direct leur colère, utilisant souvent un certain mot débutant par la lettre F (indice : ce n’est pas « farandole »).

Personne n’est à l’abri d’un ennui technique, tout le monde s’entend là-dessus. Mais avouons-le, Golden Boy a fait figure d’amateur en nous offrant une webdiffusion aussi minable.

Espérons qu’elle sera à tout le moins potable jeudi prochain, alors que Steven Butler et Erik Bazinyan seront en action à Las Vegas. Ce serait dommage que le public québécois, et tous les autres amateurs de boxe, soient privés aussi bêtement de leurs débuts en sol américain.

« Pay-per-view is dead! », se plaisait à pontifier à outrance le descripteur en poste pour la soirée de jeudi, martelant ainsi le leitmotiv de DAZN à qui voulait l’entendre

Désolé, cher ami. Vous auriez plutôt dû dire : « The signal is dead! ».

Et si c’est ça, le meilleur que vous pouvez offrir, la télé payante peut dormir tranquille.